Chapitre 46 : « Eli, Eli, lema sabactani » (époque : 2022) (1)

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Hart Bietez embrasse ses trois doigts regroupés avant de les poser sur la croix inversée du salon. Sur le crucifix, la barre horizontale rejoint les mots "Eli, Eli" qui se font face, tandis que la barre verticale contient les mots "Lema Sabactani".

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- A croire que tout Père qui aime ses enfants les abandonne un jour, dit-il en souriant.

- Vous êtes la pire personne que j'ai croisé dans ma vie, répugne Christian Naghten. Pourtant, j'en ai rencontré des monstres de tout type ces derniers temps...

- Je vous dégoute, Commissaire ? se délecte le Chef de la Famille. Appréciez cela, c'est une émotion comme une autre.

- Je ne vous laisserai pas faire.

- Je m'en doute bien, Christian, continue-t-il de sourire.

Il tourne la tête à l'entrée d'une autre présence depuis l'arrière de la maison.

- Tiennnns, quel plaisir de vous revoir, salue-t-il depuis l'entrée du salon une silhouette visible dans la cuisine.

Il regarde l'homme vagabond aux cernes prononcées, aux mains terreuses et aux ongles ensanglantés. L'individu fixe l'intérieur de la maison d'un air infantile apeuré. Il porte son regard sur les deux hommes dans le salon sans les reconnaître.

- Je vois... je savais que je vous trouverai ici également, lui exprime Hart Bietez.

- Par la Reine, que se passe-t-il ? se perd le Commissaire.

- Qu'est-ce qui vous amène Jack, réplique le Professeur devant l'homme qui ne répond pas. Jess ? Jess, qu'est-ce qui vous amène ici ?

- Ne m'appelez pas comme ça ! réagit soudainement l'homme. C'est ma mère qui m'appelait comme ça.

- Sainte Marie, expliquez-moi ce qui se passe là ? demande confus C. Naghten.

- Ah, mais vous ne vous connaissez pas ? prend conscience H. Bietez. Enfin, pas directement. Cher commissaire, je vous présente Jack Sallow, dit aussi le Couturier.

- Qu'est-ce que vous me racontez ?

Il se passe le poignet sur son front en sueurs, l'arme toujours à la main, et constate que ses émotions agissent de nouveau sur son système cardiaque qui cogne brutalement dans sa poitrine.

- Jack, dîtes-moi. Jim Sullivan est-il venu lui aussi ? questionne le vieil homme.

- Sully est parti désormais, répond avec soulagement J. Sallow.

- Il va me manquer ce Jim, lui rétorque le Professeur.

- Jim ? répète C. Naghten en plein désarroi.

- Pardon Commissaire, je manque à tous mes devoirs. Vous avez surement entendu parler de lui dans la presse, comme tout le monde. Lorsque nous parlons de Jim Sullivan, nous évoquons par là-même le Lady Killer. Voyez-vous, Jack ici présent et Jim ne forment qu'une et même personne en réalité, celle nommée « Jess » par leur mère. Un gentille femme, mais pour qui la vie ne fut pas tendre, le mari non plus.

- Comment savez-vous cela ? défie le commissaire.

- Oh, j'ai eu la chance de m'occuper de la thérapie du jeune Jess il y a quelques années. Enfin, de nombreuses années maintenant, il y a presque une autre vie.

- Un pur hasard j'imagine ?

- Je suis causaliste, Commissaire. Je ne crois au hasard qu'à travers l'oubli des causes, donc à l'effacement des éléments qui déterminent toute chose. Ce fut la tâche la plus difficile que la Famille m'eut confiée, mais essentielle.

L'homme qui vient d'entrer dans la maison, perplexe, se demande ce que lui veut le vieil homme et pourquoi l'a-t-on conduit ici ?

- Voyez-vous, Christian, l'un des modes possibles de protection des gamins violentés est celui que nous nommons « l'Enfant Vulnérable ». La victime, voyez-vous, précise-t-il en repositionnant ses lunettes. Vulnérabilité et dangerosité sont les deux facettes d'une même pièce, Jim Sullivan le Persécuteur n'est jamais loin de Jack Sallow la victime, qui répare à l'aide de son fameux Docteur en jouet les choses qu'il se refuse de perdre.

- J'ai... j'ai vu... j'ai vu la vieille Dame, elle était morte, indique avec stupeur Jack Sallow. Ce n'est pas ma faute, pleure-t-il sans retenue. Bill a tenté de la restaurer mais c'était trop tard.

- Vous voyez, commente Hart Bietez au Commissaire avec un large rictus. Je comprends, Jess.

- Ne m'appelez pas Jess ! s'exaspère l'individu.

- Je suis désolé... Jack, se reprend le Professeur. Il arrive de blesser ceux que nous aimons.

- La vieille dame était-elle votre amie ?

- Celle du Docteur.

- Le Docteur ? est surpris J. Sallow. Celui qui nous observe ? Il est là ?

Le regard toujours aussi perçant et froid, Hart Bietez pose sa main sur l'épaule du maigre homme apeuré, puis dans ses cheveux. Le quarantenaire fatigué sent les mains moites et dures du vieil homme autant sur sa peau que ses cheveux, une sensation qui lui rappelle son enfance.

- Jack, écoute-moi, tu as bien œuvré et je mesure les difficultés traversées et la force exigée. Tu as laissé agir le Dr Jonathan Stevens le temps qu'il fallait. Je te félicite.

- Vous allez finir par me dire ce qui se passe ? véhémente le Commissaire. Qu'avez-vous fait du Docteur ? agressse-t-il l'arme à la main.

- Le Docteur a plongé si profondément dans son néant qu'il en a perdu toute maitrise, noyé dans des marécages qui colle l'âme. Depuis le début, puis l'accélération durant cette dernière année, il est toujours connecté à l'abîme.

Dr J. Stevens FACE aux GARDIENS [ShortList Watty22... ss Edition] (Partie 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant