Chapitre dix-sept : Eryne

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      La vie ne nous aide pas tout le temps. La vie ce sont des montagnes russes mais comme on dit, on va plus vite avec des hauts et des bas que lorsque la route est lisse et droite. La mienne parcourt l'Everest, les Alpes et descend jusqu'en dessous du niveau de la mer. Je suis une voiture qui va dans le ciel et sous l'eau.
En ce moment, je dirai que je suis sous l'eau. J'ai peur du noir qui m'entoure. Peur de l'air qui se raréfie. Peur des autres. Peur de l'inconnu. Peur de la pression atmosphérique. J'étouffe. J'ai mal partout. J'étouffe sous la pression sociale. J'étouffe sous le regard des autres. J'étouffe sous leurs paroles. J'étouffe d'être ici pour une raison que j'ignore. J'étouffe d'être une valise que l'on transporte d'un endroit à l'autre comme si je n'avais pas d'importance.
      Personne ne me porte d'importance. Personne ne m'attend quelque part. Comme le dit si bien Anna Gavalda, j'aimerai que quelqu'un m'attende quelque part.
     Parfois, pour faire passer le temps, je me demande ce que fait Peter. Est-ce qu'il est au travail, chez lui, dans sa piscine ? Mais une chose est certaine. Il fume. Cette idée me fait sourire. Il n'y a que lui qui me fasse sourire dans cette prison. Je repense à son sourire chaleureux et presque aimant quand il me dit "On continue si tu veux" alors que l'on était sur le point de faire un plan à trois. Je me souviens de sa main qui parcourt mon visage, qui place une mèche de cheveux derrière mon oreille comme si j'étais une chose précieuse. Je me rappelle de l'autre jour dans la piscine quand on a juste parlé de notre journée comme si tout était normal et que nous ne vivions pas dans son monde. Puis je rêve que je suis allongée sur le transat, face au soleil, un verre de téquila et une cigarette dans les mains. Ashley est là. Mila est là. Maya est là. Mes derniers repères sur cette putain de terre sont là. Ashley ferait tourner les vinyles de Peter comme elle aime le faire. Mila chantonnerait Criminal de Britney Spears. Maya lirait une pièce de théâtre. On ne ferait que ça. On viderait les réserves d'alcool avant de se mettre à danser, à sauter dans l'eau, à rigoler en se racontant nos derniers plans cul. Enfin... surtout les plans de Mila. Maya ne parlerait pas mais elle serait là, elle écouterait. Ashley nous servirait en continue des cocktails à base de téquila accompagnés d'un bol de céréales. Mais tout ça n'est qu'un rêve. Un idéal. Sûrement dans une autre vie.

      Je n'ai jamais été en prison, on dit qu'il y fait froid, que c'est terne et que le temps passe lentement. Je crois que là où je suis s'apparente à une prison. Les secondes durent des heures et les heures des années. Parfois, je compte. Je compte pour m'endormir. Je ferme les yeux et je compte dans ma tête : un crocodile, deux crocodiles, trois crocodiles,..

       Jour trois depuis que je suis consciente, depuis le jour où j'ai subi l'interrogatoire. Il l'a refait. Hier, aujourd'hui, les jours précédents et sûrement demain. Je résiste. Le tableau de Salvadore Dali m'aide à tenir. Je me concentre dessus, je me projette sur cette plage aride et j'essaye d'en ressentir la chaleur d'un été joyeux.

       Mes bras sont couverts de sang séché, striés par la lame de son couteau. Les entailles sont délicates, fines mais bien douloureuses. Elles cicatrisent doucement. Très doucement. Il ne cherche pas à inscrire son nom. Peut-être qu'avec beaucoup d'imagination, un jour j'arriverai à m'imaginer une voie lactée où chaque traits est un morceau d'étoile. Aujourd'hui, il en a rouvert des nouvelles. A chaque coup, la bile me monte à la gorge. J'ai envie de vomir.
      Parfois, je me dis que je pourrai répondre. Nate ne tient pas à moi alors pourquoi je continue de le protéger ? Ezio en a après la famille Jones. Je ne sais pas ce qu'il veut, je n'arrive pas à le savoir mais chaque question est empreinte de tellement d'amertume que l'on peut même ressentir sa colère. Une fois ses questions portent sur Peter puis sur Nate mais jamais sur Kate. Pourquoi il ne s'en est pas pris à elle ? Elle est un moyen de pression beaucoup plus efficace que moi. Quand ils sont ensemble, on sent qu'ils sont soudés. Je parierai presque que Peter pourrait faire exploser une bombe nucléaire pour qu'on relâche un membre de sa famille. Mais moi, je ne suis rien. Je ne suis personne. Je ne fais pas partie de sa famille.

[L.1] LOVE & ARTOù les histoires vivent. Découvrez maintenant