7. Encore lui

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Clémence monopolisait toujours la conversation, mais cela ne me dérangeait pas. Fascinée, j'étais incapable de comprendre comment elle pouvait bavarder autant! Elle parlait de choses et d'autres, telles que des soucis qu'elle avait avec son petit ami du moment ou ceux concernant ses parents en train de divorcer. Il n'y avait pas grand-chose à dire quand elle partait dans ce genre de délires. Je savais qu'une oreille distraite suffisait largement à donner le change et je laissai ainsi de temps en temps mon regard errer au-delà de la fenêtre. C'est dans ces circonstances que je me figeai subitement en fixant l'extérieur. Et dès cet instant, je n'entendis plus un seul mot du babillage de mon amie.

Alors que mes yeux s'écarquillaient de stupeur, je secouai la tête légèrement comme pour m'assurer que je ne rêvais pas. Ce n'était pas possible... pourtant, c'était bien lui! Je n'avais aucun doute à ce sujet. Il était là, nonchalamment appuyé contre le mur du bâtiment d'en face, tout près d'un des lampadaires de la rue, comme s'il avait voulu être certain que je le vois. Il me dévisageait avec la même intensité que lors de notre première rencontre, me donnant même l'impression d'être en train d'épier notre conversation. Dès lors, il m'apparut évident que sa présence n'était plus le fruit de mon imagination et encore moins d'une coïncidence ! Ni une ni deux, mue par l'envie irrésistible de savoir pourquoi cet homme me suivait, je me levai le cœur battant sans réfléchir une seconde de plus. Dans ma précipitation, je bousculai ma chaise qui alla heurter celle du client derrière moi. Mais je n'en pris pas garde et me rua vers la sortie sous le regard médusé de Clémence. Elle s'était arrêtée de parler au moment même où je m'étais levée et s'évertuait à présent à crier mon nom d'une voix aiguë. Mais je ne me retournai pas, contrainte de devoir sortir immédiatement de cet endroit et de le rejoindre.

Une fois dehors, je remarquai avec soulagement qu'il n'avait cette fois-ci pas essayé de s'éclipser et m'élançai sur la route sans le quitter des yeux. Je ne sus pas par quel miracle j'arrivai à traverser sans encombre la circulation au milieu des klaxons et des hurlements de certains conducteurs contrariés, mais ce fut le cas. Et une fois sur le trottoir d'en face, je m'avançai vers lui. Essoufflée, mon cœur paraissait être à deux doigts de me sortir de la poitrine, mais cela n'était pas dû tant à l'effort de la course que je venais d'effectuer qu'à la tension que je ressentais à me retrouver si proche de lui. Quelques passants nous regardèrent, probablement surpris par notre attitude. Je ne sus pas de quoi nous avions l'air, mais de toute évidence, moi, je devais avoir l'air d'une folle!

J'avais l'intime conviction qu'il ne me voulait aucun mal, mais me sentis tout de même soulagée d'être au milieu d'une rue passante.

De près, il était plus évident de lui donner un âge et mon estimation de l'autre jour sembla la bonne. Il devait être assez proche de la vingtaine. Il était aussi beau que dans mon souvenir, d'une beauté presque intimidante. Par contre, il m'apparaissait bien plus grand à présent que je me trouvais à moins d'un mètre de lui. Il me dépassait largement et je dus lever la tête pour le regarder dans les yeux lorsque je fus encore plus près. Ses yeux bleus brillants d'intensité ne m'avaient pas lâché du regard un seul instant depuis que j'étais sortie du café.

- Qui êtes-vous, je lui dis de but en blanc. Qu'est-ce que vous me voulez, est-ce qu'on se connait ? continuai-je sans imaginer une seule seconde qu'il n'était pas ici pour moi.

Tout ceci ne me ressemblait pas, mais je n'avais pas le temps de m'y attarder ! Je le regardai fixement tout en m'efforçant de ne pas révéler ma nervosité. Quelques minutes s'écoulèrent sans que rien ne se passe et devant son manque de réaction, un doute affreux s'insinua dans ma tête. Est-ce que j'avais eu tort? Est-ce que tout ceci n'avait été finalement qu'un hasard ? Si tel avait été le cas, n'aurait-il pas eu un semblant de surpris ou de recul en réponse à ma course et à mes questions?

Je retrouvai confiance lorsque je vis une lueur d'amusement passer en fin de compte dans ses prunelles. J'eus le sentiment qu'il était impressionné, voire attendri devant l'aplomb dont je venais de faire preuve pour venir lui parler. Une chose était évidente, il ne s'était pas attendu à ça ! Il semblait tiraillé entre l'envie de répondre à mes questions et celle de s'en aller sans rien dire. Pourtant, j'étais persuadée maintenant qu'il avait quelque chose à me dire tout autant que j'étais sûre que quelque chose chez lui m'était familier.

- Non, on ne se connait pas, finit-il par dire d'une voix douce et calme.

Je fus tellement déconcertée que je ne m'aperçus même pas qu'il n'avait répondu qu'à une seule de mes questions. Une fraction de seconde plus tard, il tendait le bras et m'attrapait le poignet sans que j'aie eu le temps de réagir. Son geste avait été ferme, mais mesuré et je n'essayai même pas de m'y soustraire. Malgré mon pull, je sentis la chaleur de sa peau traverser le tissu pour me réchauffer le bras et pendant une fraction de seconde je fus subjuguée par cette sensation si agréable. Puis il m'attira près de lui et se pencha près de mon oreille si près que je pus sentir son souffle chaud sur ma joue.

- Je ne te veux aucun mal, murmura-t-il. N'aie pas peur de moi. Je ne peux pas t'en dire plus pour le moment, même si je le voulais. Mais bientôt, tu sauras... On se reverra.

Tout a changé ce jour là!Où les histoires vivent. Découvrez maintenant