Hannah, Août 2061
Peu avant minuit, j'entrai à SÉQUOIA à l'aide de mon badge et du code soir. J'étais en avance pour notre rendez-vous. Pourquoi Hélène m'avait-elle appelée à cette heure ? Il devait y avoir du nouveau par rapport à l'informant. Je me rendis dans la bibliothèque pour patienter. La pleine lune, de cette nuit d'août, éclairait une grande partie des rayons garnis d'ouvrages. Une fois mes yeux habitués à l'obscurité, je m'installai rapidement en hauteur. J'aimais m'assoir dans les sièges automatisés pour profiter du spectacle de ce lieu que j'expérimentais pour la première fois dans ces conditions. J'avais allumé la veilleuse du fauteuil pour pouvoir lire sans attirer l'attention de l'extérieur. Pas que ma présence soit illégale, je préférai juste rester sur mes gardes. J'avais à peine tourné la première page que des bruits sourds et un hurlement retentirent avec fracas. J'éteignis la lumière , et fermai le livre rapidement. La porte s'ouvrit. Je retins mon souffle. Quelqu'un entra. Au début, je ne voyais qu'une forme mouvante. Elle restais dans l'entrée de la bibliothèque, la seule zone d'ombre de la pièce. J'entendais un bruissement, comme si on traînait quelque chose au sol. Je réprimai un cri lorsque la forme sorti de l'ombre. Je me recroquevillai dans le fauteuil, fermant les yeux et les rouvrant. La scène ne changea pas pour autant. Je devais halluciner.Un homme entra à reculons. Il portait une combinaison noire en kevlar similaire à celle des forces du G.I.G.N. Dans son dos pendait une arme accrochée en bandoulière, un silencieux. Son visage était cachée par un casque I.T.C, un casque de réalité augmentée qui permettrait de repérer, en une fraction de seconde, le moindre mouvement. L'angoisse, que j'avais balayée par l'organisation méthodique de notre départ, me revint en plein fouet. Soudain, le danger qui me paraissait lointain et flou devint réel. L'ennemi était devant moi. La forme qu'il traînait finit par arriver dans la lumière. C'était le corps gémissant d'Hélène. Il lui assena un coup à la tempe, plus un bruit ne s'échappa de son corps. Il l'installa, inerte, sur le siège présidant la table de réunion. Il sortit son phone pour passer un appel. J'en profitais pour sortir le mien de mon sac. Je le calai sur l'accoudoir, le passai en silencieux et lançai un enregistrement. Premier réflexe de survie. J'essayais d'écouter ce qu'il disait, mais seules des bribes me parvenaient. Sa voix était grinçante et saccadée :
— Je n'ai toujours pas de trace de son architecte, elle devrait déjà être là.... pas attendre toute la nuit il faut que je retourne à son appartement faire le ménage... Chintoque.... assuré qu'elle ne sait rien... détruire les preuves... il n'y a pas de trace de leurs deux ordinateurs pour récupérer les données...
Il venait pour récupérer les données que j'avais détruites avec Hélène ! Il travaillait à la solde du projet universaliste. Évidement qu'il ne trouvait pas nos ordinateurs, Hélène les avaient fait envoyer en Finlande et en Corée du Sud, où ils attendaient notre arrivée dans quelques semaines.
Hélène était tombée dans un piège et moi aussi ! J'étais arrivée en première à la bibliothèque. Mon envie de lire m'avait sauvée, en tout cas pour l'instant. J'espérais qu'en travaillant la bande son de la vidéo, on pourrait entendre toute la conversation et même peut-être reconnaître la voix de ce sombre personnage. L'homme se plaça derrière elle et sortit un petit calibre qu'il glissa dans sa main. Il posa le canon sur la tempe qu'il avait brutalisée un peu avant. Je refusais de regarder, je devais fermer les yeux. Le bruit de détonation résonna dans la pièce, des larmes silencieuses coulèrent de mes paupières. Un cri intérieur me brûla les poumons. J'entendis des pas s'éloigner et les lourdes portes battantes de la bibliothèque se refermer.
Je rouvris les yeux. Il n'y avait plus personne. Impossible de savoir combien de temps s'était écoulé. Je n'osais pas regarder le corps d'Hélène. Un rayon de lune fit ressortir une tâche blanche sur la table. J'avais failli ne pas remarquer l'enveloppe posée près de la main qui tenait l'arme encore fumante. Je compris instantanément quel sort il nous avait réservé et quelle mise en scène il avait prévu pour expliquer la mort d'Hélène. J'eus la nausée, je restai un moment paralysée par l'horreur et l'abattement.
« Non ! Ressaisi toi ! » Noori avait besoin de moi, je devais survivre. Je commençais par vérifier que je n'avais rien laissé derrière moi. Je rangeai mécaniquement mon smartphone et le livre dans lequel s'étaient imprimées mes traces de doigts tant je l'avais serré fort. Je fis descendre le fauteuil et je sortis du bâtiment par l'arrière, sonnée, les larmes ne cessant de couler. L'air frais fini de me réveiller. Je réfléchissais pour trouver une solution, sans réussir à contrôler le flux de mes pensées.
Il était deux heures du matin, les rues étaient vides, Je montai sur mon B-cycle, enfilai mes pods. La voix de synthèse m'indiqua que j'avais 15 appels en absence. J'appelai Luyu en premier et lui demandai de se rendre chez Maman de toute urgence, avec Noori, nos passeports et le strict minimum pour la petite. J'appelai ensuite Maman pour lui demander ses codes d'accès au CCMEMC, le Centre Culturel Multi-Ethnique et Multi-Cultuel. Je lui annonçais que Luyu et Noori n'allaient pas tarder. Nous devions tous partir. Ces gens étaient prêts à tout pour obtenir ce qu'ils voulaient. La guerre contre le peuple n'attendrait pas janvier. Elle avait déjà commencé.
Le Centre était ouvert 24h/24 car il abritait des logement d'urgence dans un de ses étages. Il était facile d'obtenir un lit pour la nuit et même un studio plus pérenne. Je connaissais bien le gardien de nuit, Tian.
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La France Grise
Science Fiction2058. La France bleue, blanc, rouge n'existe plus. Les couleurs vives se sont délavées au fil du temps. La France s'est polarisée et éclatée. L'unité nationale anéantie. Un nouveau Président plein de promesses d'égalité est élu. Il décide de s'attaq...