Chapitre troisième : père nous enseigne.

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Il paraît sérieux avec son costume, ses mots, ses manières.

Il parle doucement, probablement en pensant que son argumentation est si savante, si instructive et intéressante, que le silence est le résultat de l'écoute religieuse dont les élèves lui portent. Tandis qu'inconsciemment il sait que ce n'est qu'illusion et mascarade collective. Il joue son rôle d'enseignant, préférant ignorer le public, il ne joue plus, il vit son rôle, il vit son texte. Les enfants ne craignent pas la punition , la réprimande, ils écoutent avec foi et soif de connaissances. C'est ce qu'il se dit.

Il dicte son cours comme un sermon religieux.
Cependant, personne n'écoute vraiment, tout le monde entend, s'active à recopier, peu ne reliront ou ne comprendront totalement. Pourtant il ne dit rien de nouveau. La philosophie est l'étude de ce que l'on sait ou pressent déjà. Son discours se rythme de thèses et de notions philosophiques écrites par des savants qui ont eu, comme seul génie, la capacité de penser et d'écrire avant notre naissance. Il prône ces auteurs et leurs idées, se les appropriant comme des outils de syllogisme indispensables pour raisonner convenablement.

Sa bibliothèque n'a pas de fond.
Sa bible est le recueil des pensées de Platon. Il parle couramment latin ; des mots d'Allemand ou d'Anglais lui échappent parfois. Son savoir le rend fier et il le prend pour acquis. Ce qu'il ne sait pas, n'est par conséquent pas suffisamment intéressant. Cette présence d'esprit, cette omniscience dont il fait preuve, se traduit dans sa posture, ses mouvements : la main dans la poche, l'autre bougeant strictement avec sa parole, les mots se confondant avec une musique orchestrale dont il serait le maestro. Sa présence entière est un concerto, un dialogue artistique entre sa personne et ses notes, partition de son savoir.

Sa pensée est un palais mental qui prend la forme d'une cité romaine.
Ses aspirations suivent un impérialisme littéraire antique et académique. Il aime à rappeler ce qui est fondamental et ce qui est censé avoir déjà été lu. Il exerce une pression psychologique qui ne rabaisse pas tant, qu'elle conforte les élèves dans l'idée que les jeunes gens sont de nos jours bien trop candides et sots, personnes que les élèves sont malgré eux, car ignorants. Ces jeunes gens qui, plus jeunes sont, moins démoniaques ou idiots se pensent. Alors qu'au contraire, les enfants sont des morveux, des bêtes sauvages illettrées, qui crient et courent partout, tels des insectes surexcités qui ne méritent qu'à être écrasés.

Mais la violence est mauvaise.
Du haut de ses cinquante ans, il croit connaitre les horreurs de la guerre, sans jamais ne les avoir vécues, si ce n'est les avoir lues. Il est romantique des siècles de savoir et de beauté, il pleure des ancêtres qu'il n'a pas rencontrés. Il se moque de ce qu'il ne comprend pas et tourne en ridicule tout ce qui s'oppose à ses idées et à sa manière d'utiliser la langue française. 

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