Scène VI

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D'autres rapports évoquèrent des arrestations musclées. D'autres conversations parlèrent de l'homme se poussant à bout, multipliant les heures, sautant allégrement les repas, s'épuisant à la tâche.

Puis, un jour, Valjean attendait Walle et eut la surprise de voir apparaître Javert.

« Dieu du Ciel ! Javert ! Dans quel état êtes-vous ?

- Non !, s'écria sèchement le policier. Ne commençons pas ! Je suis venu parce que je n'avais pas le choix alors réglons cela au plus vite !

- Régler quoi ? »

Sans répondre, Javert déposa un dossier devant le maire et le maire se mit à le parcourir. Il s'attendait au rapport habituel, recensant les petits soucis de voirie, les demandes de subvention, les drames quotidiens auxquels la police de Montreuil-Sur-Mer devait faire face... Mais ce n'était pas ça. C'était une déposition et des témoignages circonstanciés sur un habitant de la ville. Un dénommé Ysard. Toujours saoul, violent et vindicatif.

M. Madeleine découvrit avec horreur que l'homme, sous l'emprise de l'alcool, avait agressé violemment une jeune fille d'une riche famille bourgeoise. Les Desmarest.

Javert en personne l'avait sauvée des pires atrocités et avait procédé à l'arrestation du criminel. Une arrestation musclée au regard de la déposition de l'officier en personne.

Maintenant, l'homme était en cellule.

Valjean comprit le visage de Javert, les cernes profondes, cette fois naturelles, sous les yeux, les pommettes étaient plus saillantes. Javert avait maigri et se fatiguait à la tâche.

« Quel homme terrible ! Que va-t-il lui arriver ? »

Javert eut son sourire un peu ironique. Vite effacé.

« Cela dépend de vous, monsieur.

- De moi ?

- Je vous rappelle notre accord, monsieur. Mon secret contre une vérification de mon travail.

- Javert ! Je ne veux pas vérifier votre travail ! Je ne suis pas qualifié pour...

- Selon mes convictions et selon les termes de la loi, cet homme doit être envoyé devant les juges d'Arras pour y être condamné. Au moins sept ans de prison. Mais comme ce sont des faits de police municipale et que la victime n'a pas voulu porter plainte, je ne peux pas l'envoyer à Arras. Donc la seule solution est de le condamner à un an de prison pour insultes à agent dans l'exercice de ses fonctions. C'est tout ce que je peux faire. Les parents de la victime refusent catégoriquement que le nom de leur fille soit mêlé de près ou de loin à cette affaire. »

On sentait l'exaspération dans les paroles de l'inspecteur Javert.

« Vous avez tout à fait raison, inspecteur.

- Donc vous avalisez ma décision ?

- Bien entendu Javert. Vous êtes un homme juste.

- Merci monsieur le maire. »

Javert semblait soulagé. S'attendait-il vraiment à ce que M. Madeleine s'oppose à sa volonté ? Le policier s'inclina et s'apprêta à quitter le bureau.

« Attendez Javert ! Voulez-vous une tasse de thé ?

- Non merci, monsieur le maire. Je dois me charger d'Ysard.

- Bien, je comprends, fit Valjean, déçu. Prenez soin de vous Javert !

- C'est prévu, monsieur le maire. »

Nonchalant, Javert n'en avait cure. Sa santé n'était pas dans ses priorités.

M. Madeleine fit alors quelque chose qu'il s'était promis de faire et avait sans cesse repoussé. Il vérifia le montant du salaire de l'inspecteur Javert et fut ébahi en découvrant la modique somme de trois cents francs par an que recevait ce dernier.

Le secret de l'inspecteur JavertOù les histoires vivent. Découvrez maintenant