18 - Acte 3 : Une nécessité de changement

27 11 5
                                    

- Cam..., commença-t-il. C'est toi ?

Une part d'elle se demanda furtivement pourquoi il posait encore une fois cette question. Elle comprit à l'étonnement de Marco que son allure ne devait pas être réjouissante. Ses cheveux étaient ébouriffés et elle avait de la terre sur ses vêtements. Son état devait trahir le fait qu'il s'était passé quelque chose de grave, mais elle n'avait pas envie d'en parler avec lui. Tel un rempart à la discussion, elle rabattit machinalement une mèche sur le devant de son visage.

- Bien sûr que c'est moi.

- Mais, tout ce sang ? Que t'est-il arrivé ?

Finalement, ce n'était pas que de la terre qui tachait sa robe. Après avoir couru pour rejoindre le village et ses lumières, elle s'était évertuée à éviter dans les ruelles de Beauvène les voix de Pierre et Michèle qui l'appelaient. Ils étaient partis à sa recherche et elle avait pu entendre de l'inquiétude dans leurs cris. Elle n'avait aucune envie de leur expliquer ce qui s'était passé au bord de la rivière. Elle avait probablement tué un homme et même si elle estimait qu'il avait mérité son sort, elle ne voulait pas impliquer ces deux-là. Il ne lui restait plus que l'option de la fuite.

Elle avait décidé de voler la voiture de Marco, bien qu'elle ne sache pas conduire. Lors de leur périple dans les virages ardéchois, il lui avait expliqué l'ordre des pédales et leur rôle. Un jour où ils étaient partis tous les deux faire des courses pour la communauté, il l'avait laissé la démarrer une fois, puis rouler jusqu'au bout de l'allée de la maison de Gérard. C'était son unique expérience et malgré tout elle ne doutait pas de ses capacités. En fait, elle n'avait pas le choix. C'était le seul moyen de quitter l'Ardèche rapidement. Après un meurtre, elle s'était dit que le vol d'une R4 ne l'emporterait pas beaucoup plus profondément dans les tréfonds de l'enfer.

C'était ce qu'elle avait prévu de faire, mais comme rien ne se passait jamais comme elle le prévoyait, ce ne fut pas ce qui se passa. Elle pensait ne croiser personne en revenant chez Gérard. Malheureusement pour elle, Marco attendait dans la cour de la ferme, au cas où Camille reviendrait. C'était son rôle dans l'expédition de recherche, celui qui restait à attendre alors que les autres étaient partis sur les routes faire une battue.

- J'ai été attaqué par un loup, répondit-elle spontanément.

Il y avait longtemps, Michèle lui avait expliqué que plus le mensonge était gros, plus il passait. Elle estimait tout de même qu'il y avait une part de vérité dans ce qu'elle disait. Après tout, elle considérait le salopard qui avait voulu la pénétrer sans consentement comme un prédateur.

La stupéfaction se lut sur le visage de Marco. Il resta silencieux. Elle n'aurait su dire s'il avait la naïveté de la croire, ou la correction de ne pas la contredire. En tout cas, il faisait comme si elle n'était pas folle, ce qui n'était déjà pas si mal.

- Il s'est approché de moi dans le noir et a voulu me... mordre. Il m'a fait tomber au sol, mais j'ai réussi à prendre une pierre que j'ai écrasée sur... sa gueule. Je l'ai frappé jusqu'à ce qu'il ne bouge plus.

- Mais tu vas bien ? Tu n'es pas blessée, s'inquiéta-t-il.

Après les mensonges éhontés pour expliquer le sang sur ses vêtements, un nouveau plan commença à germer en elle. Un plan imparfait qu'elle devait tout de même mettre en œuvre pour quitter ce lieu qu'elle avait tant aimée, mais qui était devenu le théâtre de ses malheurs.

- Marco. Je vais bien. Physiquement bien. Maintenant, je veux partir d'ici. Tu comprends ? Je suis épuisée, un peu traumatisée et profondément agacée. Je n'ai plus rien qui me retient dans cette maison. Tu m'as ouvert les yeux sur la perfidie de Pierre et le manque de scrupule de Michèle. Certes, tu l'as fait de manière un peu brutale, mais j'y vois le geste d'affection d'un ami qui ne pouvait plus se taire. Je te remercie, mais, et tu ne pourras pas m'en empêcher, je vais aller faire un sac pour prendre la route.

Au-delà de l'aubeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant