La Pluie d'étoiles filantes

Chapitre 1

- Votre Altesse, réveillez-vous bon sang!

Je me redressai vivement sur ma chaise, l'esprit encore endormi. Une trace de bave luisait sur mon pupitre. Alors, je m'essuyai discrètement le côté des lèvres. Ma gouvernante, Dame Lacey, me regarda d'un air sévère. Son amour pour moi ne va pas en s'améliorant ces derniers jours, je devrais faire attention à ne plus m'endormir durant les leçons. 

- Pardon, Dame Lacey, c'est juste que j'ai lu toute la nuit un roman fantastique! Oh, je dois vous en parler, c'était une histoire fabuleuse qui... 

- Cessez de raconter n'importe quoi, une future reine ne devrait pas lire de la fantaisie, mais plutôt de la politique! Maintenant, reprenons vos leçons et que je ne vous vois pas dormir de nouveau! 

Je restai silencieuse, cela ne servait à rien d'envenimer la situation avec ma gouvernante. Elle a autant d'imagination qu'une feuille de papier. Oui, oui, une feuille de papier! En parlant de cela, qu'est-ce que c'est que cette feuille qui vient d'atterrir sur mon bureau? Je regardai Dame Lacey avec surprise, elle me fixait de son regard sérieux. C'était une lettre de mon père. Il était en voyage d'affaires pour visiter tous les villages de notre royaume, Alcibezamor, et cela durait depuis maintenant 2 mois. D'habitude, il ne se préoccupait pas vraiment de moi, c'est pourquoi une lettre de sa part me rendait extrêmement anxieuse. Je pris la lettre d'une main tremblante et  mes yeux se mirent à dévorer les mots de mon père : 

Chère Annelise, 

Je t'écris aujourd'hui pour te donner un compte-rendu de mon voyage d'affaires au sein de notre royaume. J'ai parlé avec beaucoup de nobles durant ces 2 mois. Ils m'ont fait part de leur inquiétude face à ton célibat. Je dois t'avouer que cela me trotte dans la tête depuis maintenant plusieurs mois. C'est pourquoi j'ai décidé que tu allais te marier. Tu as 18 ans, c'est l'âge que ta mère avait lors de nos fiançailles. Plusieurs prétendants venant de familles importantes m'ont déjà fait part de leur intérêt. Je reviens alors avec plusieurs jeunes hommes prêts à devenir ton futur mari. J'espère que tu comprends qu'en temps que future souveraine, tu as des devoirs à accomplir. 

Salutations, 

Albert  Starr, Roi d'Alcibezamor

Après avoir lu la lettre, je griffonnai celle-ci et la lançai dans la poubelle la plus proche. Dame Lacey me regardait encore de son air sévère. Pour une fois, je ne la laissai pas m'intimider. Je décidai de sortir de la bibliothèque royale. J'entendais ma gouvernante m'ordonner de revenir, mais je ne l'écoutai pas. Je me dirigeai comme un robot à travers les couloirs froids du château. Les gardes et les domestiques que je croisai ne me regardaient même pas. Ils étaient beaucoup plus agités que d'habitude. Je devinai que l'arrivée de mon père était alors imminente. Après plusieurs minutes, j'arrivai enfin dans mes appartements. Je virai tous les domestiques qui s'y trouvaient pour avoir le calme de la solitude. Enfin quand j'étais sûr que j'étais seule, je sautai sur mon lit et m'empressai de crier le plus fort que je pouvais dans mon oreiller.  

Je savais très bien que me marier allait bientôt arriver. C'était pour le bien du royaume, mais je croyais que j'aurais eu encore un peu de temps à apprécier le calme d'être une enfant ou alors que je pourrais me marier par amour. En lisant cette lettre, j'avais bien compris que mon père ne me laisserait pas de choix. Il était si froid et distant, je ne crois pas qu'il ait un jour pu ressentir une émotion quelconque. L'idée d'aller voir ma mère pour la convaincre de plaider en ma faveur m'avait traversé l'esprit, mais la reine Mathilde Starr est bien connue pour n'avoir aucun avis à elle, elle suit le roi sans rechigner. Et dire que pas plus tard qu'hier je rêvais encore d'aventure et de romance. Comment briser l'avenir de sa fille en seulement une étape par monsieur le roi Starr : l'obliger de se marier à 18 ans. Moi qui lisais des romans où les princesses se retrouvaient à se faire imposer des unions en riant, car je croyais que cela ne m'arriverait jamais. Cette finalité est très ironique. J'avais tout de même encore l'espoir que je tomberais amoureuse de l'un de ces prétendants. Un mariage sans amour est si triste, je le sais bien c'est ce que mes parents vivent. 

Je passai des heures étendue sur mon lit à réfléchir à mon avenir. Je ne descendis même pas pour aller souper. Lorsque je me levai enfin, je me dirigeai vers la grande fenêtre de ma chambre pour observer le ciel. La nuit était sombre et pourtant illuminée par ces milliers de petites étoiles et sa majestueuse lune. Une étoile filante passa. Comme une enfant, je fis un vœu. Je souhaitai que mon destin change, je voulais vivre une vraie aventure et connaître le réel amour. Je me dirigeai vers mon lit pour m'endormir, le cœur et la tête lourde après cette effroyable journée. 

Le lendemain matin, une domestique vint me réveiller pour m'avertir que mon père était de retour. J'essayai de me rendormir, mais celle-ci décida de tirer mes immenses rideaux vert émeraude. La lumière du soleil me brûlait les yeux. Impossible de se rendormir dans ces conditions. Je grognai de frustration pour lui exprimer mon mécontentement, celle-ci fit comme si de rien était et quittai la chambre en me souhaitant une bonne journée. Je me levai alors de mauvaise humeur et me dirigeai instantanément vers ma garde-robe, ma seule joie dans cette vie ennuyante. Je choisis une robe bleue royale longue et à manches longues en velours. J'aimai beaucoup le velours, sa texture m'amusait. Assise devant ma coiffeuse, je brossai mes longs cheveux bruns, ils sont très fins, ce qui occasionne beaucoup de nœuds. Une envie soudaine de me les couper aux épaules me vint, mais je l'oublie vite. Je pris un temps pour observer mon reflet dans le miroir. Mes yeux bleus étaient cernés comme si je n'avais pas dormi depuis des lustres. Ma peau avait perdu ses rougeurs au niveau des joues, mon teint de porcelaine avait un air si mort. Ma seule joie à me regarder était mes petites taches de rousseur sur mon nez qui m'amusaient. Je me levai alors enfin pour aller prendre le petit-déjeuner. En espérant de ne pas devoir confronter mon père.