11. Superstar

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L'abri du bassin hôpital se révéla encore plus confortable qu'il y paraissait. De toute manière, Malaki était trop épuisé physiquement et mentalement pour se préoccuper réellement de l'endroit où il dormait pourvu qu'il soit protégé. Malgré tout, il devait reconnaître qu'il avait franchement bien dormi, compte tenu des circonstances, et qu'il s'était senti merveilleusement en sécurité avec la présence diffuse de Kahu à ses côtés. Le sauveteur avait tenu chacune de ses promesses et ne l'avait pas quitté une seule seconde, même au plus noir de la nuit. Cela faisait une éternité qu'il n'avait pas dormi pelotonné contre quelqu'un comme ça et il était un peu embarrassé de l'avoir fait, maintenant qu'il se sentait mieux. Non pas que l'expérience avait été déplaisante, mais il s'était cramponné à Kahu comme un enfant effrayé dans les bras d'un parent. Et pourtant, le sauveteur ne l'avait pas lâché et ne paraissait pas gêné de le sentir contre lui puisqu'il ne l'avait toujours pas délogé.

Malaki s'était réveillé pour découvrir Kahu assis à côté de lui, occupé à noter quelque chose sur un carnet waterproof*, l'air parfaitement reposé. Il semblait être de ceux qui sont toujours de bonne humeur, quoi qu'il arrive, et c'était aussi rassurant que le reste de sa personne. Malaki commençait à prendre la mesure de la chance qu'il avait eue qu'une équipe du parc Odysseis passe dans le coin alors qu'il était pris au piège sous cette terrible épave. Et plus encore, que Kahu ait été là pour venir l'aider. Pour autant, cette fois il se redressa en s'étirant avec précaution et sourit à son compagnon.

— Avez-vous bien dormi ? demanda celui-ci en reposant son carnet. Comment vous vous sentez ce matin ?

— J'ai bien mieux dormi que je l'imaginais, avoua Malaki. J'ai toujours mal, mais je me sens beaucoup mieux.

— Ça va s'atténuer dans les jours à venir. Je vais regarder à l'état de vos blessures ce matin, remettre des pansements et des bandages, puis je vais aller chercher le petit déjeuner. Vous prenez quoi le matin ?

— Ce que je trouve, rit-il. Mais je ne serais pas contre un petit déjeuner humain, je suis curieux. 

— Je vous apporterai ça, vous n'allez pas être déçu. Mais d'abord, les pansements.

Avec la douceur professionnelle que Malaki commençait à lui associer, il commença par observer les plaies les moins graves pour s'assurer qu'elles s'étaient correctement refermées. Pour les plus profondes, il fallut remonter à la surface afin que l'eau n'entraîne pas le sang avec elle, et Kahu se montra satisfait de leur état. À la lumière du jour, Malaki prit conscience de la gravité de l'entaille sur son quatrième tentacule qui avait été soigneusement recousu. Il avait définitivement eu une chance incroyable, ne serait-ce que de ne pas le perdre.

— Les blessures sont propres, elles cicatriseront bien. Est-ce que les fils vous gênent ?

— Un peu si j'essaie de bouger cette partie là, mais sinon je ne les sens presque pas. Et c'est un bien faible prix à payer pour m'en tirer aussi bien.

— C'est une bonne nouvelle ! Vous allez devoir les garder quelques jours puis je les retirerai et vous serez comme neuf !

D'une boîte blanche marquée d'une croix rouge, il tira de nouveaux bandages qu'il enroula soigneusement autour des tentacules blessés de Malaki qui se laissa faire sans bouger, heureux de s'abandonner entre des mains compétentes. Une fois le dernier pansement achevé, Kahu ramassa les bandages trempés et les disposa dans une corbeille avant de se hisser souplement hors du bassin pour changer sa queue contre une paire de jambes. Les écailles vertes disparurent sans qu'il ne fasse plus que grimacer, trahissant combien il avait l'habitude de le faire. Malaki était un petit peu jaloux de cette facilité, mais surtout très impressionné et il se demanda s'il serait lui aussi capable de faire ça aussi naturellement un jour.

— Je reviens, promit Kahu en s'habillant. Avec un petit déjeuner !

Malaki le regarda s'éloigner puis se laissa aller pour flotter paisiblement sur le dos, attendant son retour. Il n'avait pas envie de replonger pour l'instant, redoutant la transition entre ses narines et ses branchies, et il préférait admirer le plafond qui imitait une grotte recouverte de végétation. Sans parler de savourer un instant de calme pour se rendre compte qu'il allait bien, qu'il était en sécurité et qu'il allait guérir.

Une porte s'ouvrit quelque part et il se redressa, surpris de voir Kahu revenir si vite, mais ce n'était pas lui. La jeune femme qui s'avançait vers le bassin était l'une des sauveteuses qui avaient été présentes sur le bateau la veille, dont il ignorait le nom.

— Kahu vient de partir, indiqua-t-il poliment lorsqu'elle s'arrêta à sa hauteur.

— Yep, je sais, je viens de le croiser. C'est vous que je venais voir, en fait. Comment vous sentez-vous ?

Touché par la sollicitude de ces humains qui s'inquiétaient réellement de lui, Malaki répondit comme il avait répondu à Kahu et la soigneuse parut heureuse de le voir aller déjà mieux.

— Je vais vous faire une prise de sang, pour m'assurer que vous ne risquez pas de septicémie. Ça va piquer un peu.

Confiant, Malaki se laissa faire sans sourciller et l'échantillon sanguin fut promptement étiqueté et placé dans un sachet stérile. Pourtant, la soigneuse — elle s'appelait Mele — ne s'en alla pas tout de suite.

— Je peux vous tenir compagnie en attendant que Kahu revienne, offrit-elle. Si jamais vous avez des questions, n'hésitez pas !

Il en avait au moins une, qu'il n'avait pas vraiment osé poser la veille, surtout parce qu'il n'avait pas eu l'esprit assez clair pour la formuler. Mais là, elle lui échappa d'elle-même.

— Qu'est-ce que ça fait, d'être une sirène de métier ?

— Eh bien c'est super cool ! La plupart des parcs ont des spectacles de sirènes réalisés par des humains costumés en apnée, sauf que nous on a Kahu et c'est une vraie de vraie sirène. Le dernier spectacle qu'il a monté a été primé au niveau mondial comme le meilleur spectacle de sirène. Vous voulez le voir ? J'ai la vidéo officielle sur mon téléphone.

En un rien de temps, Malaki se retrouva accoudé au bord du bassin, à côté de Mele qui avait placé son smartphone pour qu'il puisse voir. Et il ne put que constater que, effectivement, le spectacle de Kahu était remarquable. Le sauveteur était gracieux et puissant, parvenait à faire passer son message tout en finesse, et il était célèbre dans le monde entier si l'on en croyait le nombre de vues, de likes et de commentaires. Ça en devenait un peu intimidant de réaliser qu'il avait passé la nuit entière dans les bras d'une star.

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*pour toutes les personnes qui m'ont posé la question et celles qui n'ont pas osé le faire : Oui, les carnets waterproof existent, il y a notamment la marque Rite in the Rain qui en propose. C'est majoritairement destiné aux militaires, aux scouts et aux randonneurs. Et on écrit dessus avec un bon vieux crayon de papier (aka le crayon qui fonctionne partout sauf dans l'espace) !

Laissez-moi juste ajouter que, Kahu étant une sirène, ne pensez-vous pas que c'est logique qu'il ait de quoi écrire sous l'eau ? Je suis presque sûre que les sirènes ont leur propres carnets et crayons adaptés à l'eau, la pression et tout le reste. Vous en faites pas pour lui ! XD

Odysseis (1&2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant