Hannah, Août 2061
Je retrouvais Sophie et Reyla dans mon bureau. Je mis de l'eau à chauffer et préparais un thé pour nous trois.— Qui veut commencer ? demandais-je en versant l'eau frémissante sur les feuilles délicatement parfumées.
— Ça fait deux semaines que je reçois les mails d'Hélène concernant le sujet, mais je ne pouvais pas vous en parler avant, dis Sophie d'une voix désolée. Je me sens un peu coupable...
— Il ne faut pas, assurais-je en souriant. Tu es au courant pour les autres boites qui partagent l'info ?
— Oui, depuis quelques semaines, Hélène, Mohammed et moi, après avoir estimé l'ampleur des futurs dégâts, travaillons à communiquer sur le sujet. Nous avons commencé par prévenir nos partenaires directs, ensuite, nous avons étendu le cercle progressivement. Je suis responsable d'une newsletter cryptée à l'attention des entreprises internationales pour mettre à jour les infos qui proviennent d'une source sûre travaillant pour le gouvernement...
— Ceci explique cela, d'habitude, il vient toujours papoter dans mon bureau et là plus rien depuis quelques semaines, commenta Reyla qui sirotait son thé en écoutant.
— Au fait, Hannah, je crois que toi aussi tu as une histoire à nous raconter.
— Mon aventure est beaucoup plus récente que celle de Sophie. D'ailleurs je ne sais pas comment tu as fait pour rester aussi calme et silencieuse... soulignais-je en me tournant vers elle. J'ai à peine remarqué que quelque chose te tracassait. Je n'aurais jamais deviné qu'il s'agissait du travail.
— En vrai, c'était super dur, mais comme on en discutait à trois, ça allait. Surtout qu'on voulait vous épargner le plus longtemps possible. Maintenant plus de doutes, la menace est réelle.
— Moi, je l'ai appris hier soir. C'était dans l'urgence. Ça m'a mise dans un état de psychose le reste de la soirée.
— Olala, l'angoisse, raconte.
Je me remémorais la veille. Je me dis que j'aurais réagi différemment si, comme Sophie, j'avais su ce qui se tramait depuis un moment. J'en voulais un peu à Hélène pour ça d'ailleurs. J'expliquai aux filles les événements de la veille sous leurs regards bienveillants.
— Pour tout vous dire, les filles, je veux partir le plus loin et le plus rapidement possible. Je ne veux pas que Noori vive tout ça. Surtout qu'Hélène n'était pas du tout rassurante hier. Le rendez-vous avec l'informant ne s'est pas passé comme prévu et nous sommes probablement en danger.
— Je te comprends Hannah.
Reyla prit ma main et la serra.
Je me souvins soudainement qu'elle m'avait aidée sur ce projet. Elle devait ressentir la même peine que moi. Reyla était très douce et altruiste, elle écoutait toujours les autres avant de s'exprimer. Contrairement à Sophie et moi, qui, nous emportions à la moindre occasion. Finalement, elle était la seule de nous trois à avoir découvert aujourd'hui ce qui nous attendait. Que pouvait-elle bien penser en découvrant tout ça ? Je finis par lui demander :
— Et toi, Reyla, ça te fait quoi cette histoire ?
— Moi ? Comme vous savez, je suis la seule de ma famille en France, donc j'ai plus trop d'attaches. De plus, avec mes parents diplomates, je n'ai jamais passé plus de cinq ans d'affilée dans un même endroit. Ça m'embête, of course, parce que ma seule nationalité c'est « française ». Mais surtout, ça me fait énormément de peine pour les gens dont la seule option est la France.
VOUS LISEZ
La France Grise
Science Fiction2058. La France bleue, blanc, rouge n'existe plus. Les couleurs vives se sont délavées au fil du temps. La France s'est polarisée et éclatée. L'unité nationale anéantie. Un nouveau Président plein de promesses d'égalité est élu. Il décide de s'attaq...