Chapitre 14

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Installée sur l'un des canapés près de la cheminée, Zofia souffle doucement sur sa tasse de café. Égarée dans ses pensées, elle reprend après quelques minutes.

— Je suis navrée que personne ne t'ait rien dit sur Mabon et ses traditions. Robasan a perdu la main.

Elle pouffe en déposant son breuvage sur la table basse devant nous, se tourne dans ma direction et joue avec l'une de ses boucles rousses.

— Mabon est l'une des huit fêtes païennes. On les divise en quatre sabbats les majeurs qui regroupent Imbolc, Beltane, Lughnasadh et Samhain. Puis les mineurs qui rassemblent Yule pour le solstice d'hiver, Ostara pour l'équinoxe de printemps, Litha pour le solstice d'été et Mabon pour l'équinoxe d'automne.

En sirotant sa tasse, elle me tend un petit cahier. Je le feuillette quelques secondes et comprends que mon professeur pour la matinée a pris soin de noter toutes ces informations. Sa gentillesse est si grande, que je m'en veux de l'avoir craint. Elle boit une gorgée, grimace et une fois son café terminé, Zofia étire ses bras au plafond en reprenant :

— Durant Mabon, nous commémorons les récoltes et les sorciers rendent grâce à tout ce qui a été fourni. Cette fête n'était pas si dangereuse plusieurs siècles en arrière. Les chasseurs se sont lancés à notre poursuite depuis peu et s'amusent à nous tuer au cours de nos rites, là où nous sommes les plus faibles. La soirée la plus meurtrière est celle de Samhain, tu l'appelles Halloween. C'est le seul moment où sorciers, loups et vampires signent un traité de paix. Nous organisons une grande fête dans chaque pays pour nous retrouver et présenter nos nouveaux adhérents. C'est aussi à ce moment-là que certaines familles peuvent réclamer d'autres membres des clans adverses. Pour s'accoupler entre eux, se nourrirent ou élargir leurs troupes. C'est comme cela qu'est née la tribu Mironov depuis un siècle, avant cela les hybrides loups et vampires n'existaient pas.

— Et c'est donc le 31 octobre que Ian devra me revendiquer c'est bien ça ?

— Avant serait l'idéal, pendant Mabon beaucoup de jeunes recrues meurent dans des circonstances étranges. Si tu lui appartiens, une partie de son odeur sera sur toi, ce qui éloignera les vautours avant la Grande Cérémonie.

— Qu'est-ce que c'est ? Je demande inquiète.

— C'est le rite que chaque surnaturel doit effectuer lorsqu'il revendique sa leth. C'est à ce moment-là que la démarche de Robasan sera officielle. Durant ce rite les deux clans de vampires sont regroupés pour n'en former qu'une.
Elle se racle la gorge gênée et contemple l'un des coussins entre nous.

— Pour la tienne malheureusement, tu devras te contenter de Louise, Franzi et moi. Ian n'a également plus de famille, donc, ce sera en petit comité.

— Je vais devoir préparer quelque chose en particulier ?

— Tout d'abord, tu devras prendre un bain de lait d'ânesse, ensuite tes sœurs t'aideront à t'habiller. Ce jour-là, ce sera Franzi et moi. Puis ta génitrice, ta créatrice, t'offriras à celui qui te revendique en t'accompagnant jusqu'à lui. Et, pour finir, après qu'un passeur ait officialisé la cérémonie, les familles vont commencer le repas pendant que l'accouplement se déroule. Certaines mères exigent d'assister au rite, mais Louise n'en a pas l'intention. Sur ce côté-là, elle n'est pas très à l'aise.

Devant ma question silencieuse, Zofia se gratte la nuque gênée et me regarde un petit moment avant de reprendre.

— Oui... Comme tu le sais, les vampires peuvent donner la vie. Mais, il leur est interdit d'enfanter avant leur Grande Cérémonie, il faut que leurs progénitures soient un fruit pur. Le premier d'un couple doit être fait pendant ce rituel pour pouvoir être le successeur de l'Alpha ou du mâle du clan. C'est ce petit qui héritera de la puissance et des pouvoirs des deux membres principaux de sa famille : ses parents.

— Attends, j'ai dû mal comprendre. Tu es en train de me dire qu'en plus d'être liée à un homme pour l'éternité, je devrais aussi écarter les cuisses ce jour-là et enfanter. Super...

Le revoilà, mon sarcasme adoré, mon moyen de ne pas montrer que je suis perturbée par ce que j'apprends.

— Tu sais Val, il ne t'obligera jamais à le faire si tu refuses. Tu n'en souhaites pas, alors il ne te l'imposera pas. Il ne t'ordonnera jamais de faire quoi que ce soit contre ton gré, même si cela peut lui causer des problèmes. Surtout avec notre Conseil.

— Le Conseil ?

Zofia inspire profondément, rejoint la cafetière et se sert sa troisième tasse du matin. J'en viens à m'inquiéter pour son cœur. Elle revient ensuite avec une assiette de biscuit.

— Nous sommes dirigés par cinq personnes, un vampire, un sorcier, un loup, un chasseur et un hybride. Ces cinq personnes sont les portes-paroles des familles et des différentes espèces. Ils sont au-dessus des Alphas pour les décisions et ils veillent à ce que chaque tradition soit respectée et interviennent seulement lorsque cela devient urgent.

— Quels problèmes ça peut créer à Ian si nous n'avons pas d'héritiers ?

— Il peut être destitué de son titre d'Alpha. Nous devons faire perdurer les surnaturels, si nous n'enfantons pas, nos lignées meurent. Robasan est le premier et le dernier de son clan, si aucun petit ne naît de votre sang... Sa famille s'éteindra avec lui. Votre progéniture sera le prochain Alpha, car la tradition veut que le flambeau soit donné à un mal, même s'il y a des exceptions. Et, votre fille devra épouser un Alpha d'un autre groupe.

Mon hémoglobine se glace, je n'étais pas préparée à autant d'informations. Être unie à Ian ne me dérange pas, mais les devoirs qui découlent de ce simple geste ne m'enchantent pas. J'ignore comment marche la procréation chez les vampires et si cela fonctionnera du premier coup. Et, si... c'était un échec, que je ne puisse pas donner d'héritier... Le conseil le punira-t-il ? Me tuera-t-on ou l'obligera-t-on à avoir des amantes ? Cette dernière option me fait dresser les poils des bras, je n'y supporterais pas.

— Valentina, tu vas bien ?

Je sens la main chaude de Zofia se poser sur mon genou, mon cœur cogne dans ma cage thoracique, c'en est si douloureux que j'ai l'impression que l'on me l'arrache. Non pas encore une nouvelle crise, je me suis affolée pour rien... J'affiche un sourire de façade et fais un petit oui de la tête, me lève doucement pour me dirige vers la porte de la bibliothèque. À peine ai-je fait une dizaine de pas à l'extérieur de la pièce, que deux mains puissantes me soulever. Instinctivement, je pose mon crâne contre le torse musclé sans pouvoir me défendre, trop faible pour parler. Son parfum me rassure, pin, homme et forêt. Je frotte le nez contre lui pour m'imprégner encore plus de son odeur et papillonne des yeux, trop fatiguée pour les garder ouverts. Bien que ma vision soit floue, je reconnais les traits de son visage. Comme d'habitude, il a dû ressentir que j'étais au bord de la crise de panique, que j'ai moi-même provoquée en imaginant des scénarios stupides. Il me sert un peu plus fort contre lui, j'entends une porte claquer puis une seconde et un objet racle le sol en pierre. Mon cœur tape plus fort encore et avant d'être à la partie la moins drôle, une cascade fraîche s'écoule sur mon visage. Oui, de l'eau ! Ian me tient sous le jet froid de la douche et je me laisse apaiser par cette douce sensation.

— Tu te sens mieux ?

— C-comment à t-tu su qu-que je faisais une n-nouvelle c-crise ? Dis-je grelottante.

— Je l'ai ressenti... Et, j'ai peut-être entendu tes pensées. Ne m'en veux pas, je venais simplement voir si tout allait bien...

Valentina Tome 1 : un monde nouveauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant