Les Kaléidoscopes

Chapitre 12 - TRISTAN (part. 2)

TRISTAN

Quand il y songeait, c'était la fête de Gaël qui avait tout accéléré, et c'était là que les choses avaient basculées. Lui, il avait juste voulu qu'on accorde un minimum d'importance à son anniversaire, c'était tout. Mais même ça, c'était trop demandé. Il avait fallu que son meilleur ami choisisse ce jour précis pour sa fête de vacances – alors qu'il y avait vraiment plein d'autres jours dans une semaine, dans une année même ! –, pour faire cela. Sur les trois cent soixante-cinq, il avait fallu que ça tombe sur son anniversaire. Pas avant ou après, non. Pile pendant son anniversaire. Alors naturellement, il n'était pas venu. Et sa fête à lui, dans tout ça ? Mais à croire que tout le monde s'en fichait. Surtout Gaël, en fait. Il avait même fini par s'énerver quand Tristan ne s'était pas pointé, s'époumonant sur le fait qu'il n'avait même pas prévenu. Évidement, qu'il n'avait pas prévenu. Ne pouvait-il pas comprendre qu'il avait mieux à faire ? Vingt ans, c'était important. « Tu es un crétin égoïste », avait alors rétorqué son ami.

Tristan n'était pas totalement d'accord. Il n'avait pas choisi la date de son anniversaire, il n'aurait pas pu le changer pour les caprices de Gaël. Ce dernier, en revanche, avait choisi d'organiser sa fête idiote pile quand ça ne l'arrangeait pas. En plein milieu de la semaine ! Il fallait être vraiment con, ou le faire exprès... Depuis lors, il n'avait plus entendu parler de lui, s'était mis à dos tous ses autres amis en même temps, sans même savoir pourquoi. Il imaginait que Gaël les avait monté contre lui. Foutue fête.

Mais le pire, c'était que, puisqu'il avait laissé couler sans chercher à se réconcilier avec lui, il avait dû affronter les remontrances d'une Justine particulièrement en colère.

— T'as abusé, avec Gaël, lui avait-elle dit quelques jours avant leur rupture. Il avait organisé la fête pour toi, pour ton anniversaire... On t'a tous attendu, et t'es jamais venu... T'aurais pu prévenir, au moins, que tu viendrais pas !

C'était seulement à ce moment-là que Tristan avait fait les connexions nécessaires. Seulement face au fait accompli, qu'il avait compris la manœuvre de ses amis. Pourtant, désireux de repousser la culpabilité loin de lui, il avait choisi de faire l'autruche et d'ignorer l'information.

— J'étais occupé...

— J'espère bien, que t'avais une bonne raison ! Parce qu'on dirait que t'en a rien à foutre !

Tristan s'était demandé quel était son problème, à s'inquiéter trop pour Gaël, et à ne pas même comprendre que peut-être il avait simplement autre chose à faire... Son père devait revenir spécialement pour son anniversaire, prenant quelques jours de congés durant un voyage d'affaires qui lui avait semblé durer une éternité pour passer un peu de temps avec lui. Gaël pouvait bien attendre, ou au moins le comprendre. Tristan avait essayé de mettre de côté la soudaine colère que cette pensée avait fait remonter en lui et avait tenté de se justifier:

— Mon père est revenu, il n'a pas pu rester longtemps.

Ce n'était qu'un tout petit mensonge, pour l'instant.

— Oh, avait fait Justine en se radoucissant.

Elle savait à quel point son absence le pesait. Elle n'oserait plus rien dire, après cela, c'était sûr. Tant pis pour Gaël. Ils se reverraient à la rentrée et feraient comme si l'embrouille n'avait jamais eu lieu.

— Et vous avez fait quoi ?

— De la montgolfière.

Bon, ça c'était un mensonge un peu plus gros. Mais comment aurait-il pu calmer Justine sans la fausse intervention de son père ? S'il lui disait que ce dernier avait finalement décidé de ne pas se pointer, et d'oublier complètement son anniversaire – pas même un message ! –, elle se serait remise à le faire culpabiliser pour avoir abandonné Gaël. Il n'avait vraiment pas envie de ça.