Chapitre 7, surveillé.

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         Paul et Charlie ont prévu mon baptême de plongée pour vendredi, soit après-demain, aux premières lueurs du jour. Malgré leurs idées farfelues et leur talent de persuasion, je leur avais formellement interdit de faire ça de nuit. Je n'avais fait de la plongée qu'au cours de vacances au bord de la méditerranée avec mon père et j'avais seulement obtenu mon diplôme de niveau 1 qui ne m'autorisait pas, en théorie, à plonger seul. Depuis, je n'avais jamais remis cette expérience.

Nous nous étions donné rendez-vous, les deux garçons et moi, dans la grange de Paul, le lendemain de la réunion que nous avions faite au même endroit, pour essayer un peu l'équipement. Charlie l'avait discrètement emprunté au club nautique dans lequel il travaillait. La plongée, autant que la pêche, avait été interdite sur le lac, mais le club avait gardé, en souvenir de ce temps où tout était encore possible, un peu de matériel. Aglaé, quant à elle, s'était trouvé pour mission de partir à la recherche du naturaliste, André Tournel, qui avait signé l'acte officiel de la mise en zone protégée du lac, vingt ans auparavant. L'interroger faisait partie des objectifs que nous nous étions fixés pour faire avancer notre enquête.

En me déshabillant pour essayer la combinaison de plongée avant le grand jour, je ne prends même plus de pincettes pour faire part à mes deux camarades mon mécontentement. Je m'étais complètement fait berner dans cette affaire, et ils s'en frisaient les moustaches.

— Vous auriez quand même pu me dire dès le départ que vous aviez besoin d'un plongeur, je peste en enfilant la première jambe. Sérieusement ! Moi qui pensais m'être fait des potes, je passe pour un abruti maintenant. Vous vous êtes bien moqués de moi.

Derrière le drap accroché de manière bancale qui me cache des deux garçons, je les entends ricaner.

— Ça, c'était l'idée de Paul, se dédouane très vite Charlie de toutes accusations.

— Avoue quand même que tu n'aurais jamais accepté si j'étais venu te voir comme une fleur pour te demander de plonger pour nous, se défend Paul. Alors que là, c'est l'occasion rêvée pour toi de nous prouver ta valeur et ton investissement dans le groupe.

Pour toute réponse, je continue de ruminer dans mon coin.

La combinaison me va parfaitement, j'en informe mes deux camarades avant de la retirer pour enfiler à nouveau mon t-shirt et mes baskets. Nous prenons le temps de regarder le reste du matériel qu'a ramené Charlie : une combinaison, un masque, des palmes et le scaphandre avec une bouteille. Je vérifie que tout paraît utilisable. Cette affaire de plongée est à prendre au sérieux, je n'aimerais pas qu'il m'arrive quelque chose au milieu du lac, à une heure du matin où tout le village dort encore.

Lorsque nous avons tout bien examiné, nous nous asseyons à l'extérieur de la grange pour élaborer notre stratégie. L'herbe est verte et fraîche là où nous nous installons, tout est si calme. Autour de nous, il n'y a personne.

— T'es le plus menu et le plus sportif d'entre nous, m'explique alors Paul, c'est pour ça qu'on t'a choisi. Charlie ne rentre pas dans la combi, et Aglaé et moi ne savons pas plonger. J'ai directement pensé à toi.

— Mais comment vous saviez que je savais plonger ?

— Aglaé a fait trois recherches, puis elle est tombée sur cette photo de toi sur ton Instagram, me répond Charlie.

Il me tend son téléphone portable sur lequel je retrouve une photo de mon père et moi, quelques années plus tôt. Je devais avoir seize ans et nous tendions tous les deux fièrement notre diplôme de plongée, encore en combinaison. Pendant un instant, cette photo me replonge au milieu de ces vacances que j'avais tant aimées.

Jeunesse lève-toi.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant