J'ai poussé tous ceux qui se trouvait sur mon chemin, en courant pour atteindre la sortie. Et lorsque l'air froid de la rue s'est jeté sur mon visage, et que le vent m'a repoussé en arrière, les larmes roulaient déjà sur mes joues. Parce qu'il n'y avait personne. Pas un bruit. Pas un passant. Personne.
Un souvenir est remonté à la surface. Je n'y avais pas pensé depuis des années, mais c'est le premier qui m'est apparu. Peut-être parce que c'était l'un des seuls moments où je m'étais sentie proche d'elle. Nous marchions, côte à côte. Le silence me pesait. Quand nous étions ensemble, ni elle, ni moi, ne prononçait mot. Pourtant, rien que par le regard, nous échangions tout. Haine comme amour. Elle était venue me chercher à l'école. J'étais jeune. Je ne comprenais pas encore la valeur de son geste. Ma joue était encore rouge, et ma lèvre ouverte. Ce jour-là, elle m'avait tendu un mouchoir.
Je me souviens de cette frustration. Je voulais qu'elle me demande pourquoi. Qu'elle me sermonne, qu'elle... Je voulais qu'elle s'intéresse à moi. Nous marchions ensemble, mais elle ne me regardait pas. Ses cheveux étaient déjà très long à cette époque. J'admirais sa beauté, sa voix. Elle était grande, le teint naturellement bronzé, les yeux en amande.
Je m'étais battue pour la première fois de ma vie. Mais, elle ne demandait rien. Alors, nous avons marché en silence. Nous n'étions plus qu'à quelques mètres de la maison, quand elle s'est arrêtée, et qu'elle m'a regardé. C'était la première fois depuis longtemps. Elle a dit mon prénom. Et, elle m'a demandé pourquoi. C'était aussi la première fois, que je décelais de la tristesse dans son regard.
Je m'étais battue parce que des enfants de ma classe avaient insulté nos parents. Et quand je lui ai dit, elle m'a souri. Pour la première fois. Je crois même qu'elle a passé une main dans mes cheveux. Je ne me souviens plus vraiment.
Le lendemain matin, le soleil illuminait Paris. L'hiver ne tarderait plus à prendre fin, pour laisser place aux beaux jours. J'admirais ce spectacle de mon balcon. L'air était encore froid, mais il ne neigerait plus.
Je buvais une tasse de thé sur la table basse que Stella avait installé sur le balcon. Elle m'avait laissé ses anciens meubles. Tous renfermaient des souvenirs inestimables. Il était très tôt, la ville ne s'était pas encore réveillée. J'avais passé la nuit à penser à ce que j'avais vu. Dalya avait toujours eu le don de réapparaître pour me torturer lorsque je m'éloignais. Comme si, malgré tout ce qu'elle avait pu me dire, elle ne voulait pas que je m'écarte. Que j'arrête de penser à elle. Avec le recul et un peu de sommeil, hier, ce n'était sans doute pas elle. Quelqu'un qui lui ressemblait. Mais pas elle. Parce qu'elle n'était plus là. Plus dans le même monde. Je m'y étais enfin résolue.
Je ne voulais garder que le positif d'elle, je ne voulais plus vivre dans l'illusion de son retour. Je voulais la respecter, en la laissant sans aller. Mais je ressentais, quelque part, qu'elle était proche de moi, comme elle ne l'avait encorejamais été ces trois dernières années. Alors, j'ai pris une décision. Nous étions un dimanche. Je ne travaillais pas aujourd'hui. J'ai rassemblé quelques affaires. Un large sweat-shirt, le premier jeans qui j'ai pu trouver, et des gants.
Sur la route, je me suis arrêtée pour acheter une rose. Le vent matinal m'agressait le visage mais je préférais marcher. Ce trajet, représentait pour moi, un dernier adieu. Alors, je me suis permise de pleurer, de penser à elle, à nous, à nos parents, et à ce qu'aurait pu être nos vies. J'ai pensé à ces neveux et nièces que je n'aurais jamais. J'ai pensé à son sourire, même si elle ne souriait pas souvent. J'ai honoré sa peine, son désespoir, et le mal-être qu'elle avait toujours porté en elle. J'ai pleuré pour son sacrifice. Pour la vie qu'elle avait menée. Et pour la personne incroyable qu'elle était. Elle avait toujours détesté son grain de beauté sous l'un de ses yeux, moi, j'avais toujours pensé que ça l'embellissait.
VOUS LISEZ
REDLINE
Science Fiction[Publication de chapitre tous les mardis et vendredis. ] Vous êtes-vous déjà posé des centaines de questions existentielles au point de souffrir d'insomnies ? Probablement. Chaque humain sur cette terre a déjà vu son esprit traversé par ces interro...