PROLOGUE

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Un son assourdissant résonnait dans tous les coins de la ville. On reconnaissait celui d'une cloche paniquée qui tournait en boucle depuis plusieurs minutes déjà. On entendait dehors les grondements des pas effrénés de la foule sur le bitume humide. C'était la panique absolue. Les uns couraient se réfugier chez eux et les autres barricadaient leurs chaumières avec ce qu'ils avaient sous la main. Des parents affolés tentaient de calmer leurs nouveaux-nés et de cacher leurs enfants dans la cave pour leur éviter cette terreur. Le ciel s'était assombri. Des corbeaux s'échangeaient des croassements rauques sur le toit des maisons, laissant planer sur la petite ville une ambiance mortuaire. L'alarme s'était tu et le silence régnait. Personne n'osait bouger ou respirer trop fort de peur de se faire remarquer. Les malheureux qui n'avaient pas eu la chance de rentrer à temps à leur foyer étaient genoux à terre, le corps tremblant.

Les quelques rayons de soleil de la saison étaient partis se cacher derrière les nuages alors qu'une troupe de soldats débarquaient, armées, le visage démuni d'émotions. Leurs souffles créaient de petits volutes blanc dans l'air froid qui piquaient leur visage. Ils étaient trois, ils n'avaient pas la même tranche d'âge mais leur allure semblait être emplie de la même conviction.

Celui qui semblait être le doyen descendit de sa monture avant de se frotter les mains l'une contre l'autre pour se réchauffer. Les autres firent de même et laissèrent leurs chevaux à côté du seul abreuvoir dont l'eau ne semblait pas encore totalement gelée par le froid de l'hiver. L'aîné abordait une barbe brune bien entretenue sur un visage strict dont émanait la peur. Il était vêtu d'un long manteau assez épais pour résister au froid. Les deux autres, quant à eux, n'étaient vêtus que de simples vestons couleur ocre. Ils s'avancèrent vers une chaumière dont de la fumée émanait par la cheminée, les murs extérieurs étaient faits de pierre grisâtre et le toit était, à première vue, fait de paille de seigle. L'homme à la barbe brune s'avança et fit tintillier le

carillon contre le porte en bois. Après quelques dizaines de secondes, une femme d'une quarantaine d'année en sortit, il y eu un long silence, dumoins assez long pour entendre l'horloge de la ville sonner, il était désormais 19h. Le doyen fit un signe de la tête et ses deux comparses rentrèrent dans la chaumière. La femme demanda aimablement à l'ainé ce que ces messieurs lui voulait, mais l'homme la dévisagea et lui demanda de le suivre. Une douce brise vint les carresser aux visages juste avant que l'homme n'attache la dame avec une sorte de corde. Il la tira brusquement, l'obligeant de ce fait à le suivre, elle ne résista pas et se laissa conduire là où elle savait qu'il l'emmenait, la mort. Tout en marchant elle esquissa un léger sourire et fit glisser une larme sur sa joue. Pendant ce temps les deux autres avaient attrapé le mari, qui contrairement à sa femme, se débattait de tout ses forces en débittant un tas d'injures à l'encontre des deux hommes. Les soldats le traînèrent dehors mais ils ignoraient que dans la maison, se cachaient encore deux frères jumeaux blottis l'un contre l'autre sous le lit de leurs parents.

L'un des jumeaux se glissa hors du lit et se rapprocha de la fenêtre de la cuisine en tremblant. Il frotta doucement sa main contre la vitre pour essuyer la buée et colla son nez au verre froid. Son frère le rejoignit et prit sa main avant de regarder lui aussi par la fenêtre.

Les soldats qui détenaient leurs parents avaient rejoint leur régiment et se trouvaient au centre de la ville. Des banderoles, accrochées par la direction de la famille royale, affichaient des écritures en grosses lettres capitales: «A BAS LES BONÉMIS». Les Bonémis étaient des humains à part entière à un détail près et pas des moindre : ils possédaient de la magie. Cela allant de l'apparition de piquants gigantesques et empoisonnés dans la main du Bonémi ou simplement le fait de pouvoir faire pousser tout un tas de champignons. Dans tous les cas, ces personnes n'étaient pas acceptées par la royauté, celle-ci avait donc ouvert la chasse à tous les Bonémis du royaume de France.

Une cuve immense avait été déposée ici par ordre du roi à l'annonce de la chasse. Celle-ci avait été remplie d'eau que les soldats tenaient constamment en ébullition. Le couple était poussé vers la cuve par les soldats qui ligotèrent les mains et les pieds de l'homme. Deux soldats le hissèrent à la force de leur bras jusqu'à l'anneau qui retenait la corde au-dessus de la cuve. L'homme de famille était noué comme un cochon sur une broche au-dessus de l'eau bouillante. Un des soldats était à terre et alimentait le feu sous la cuve pour s'assurer de la température de l'eau.

Une fois le mari hissé jusqu'à l'anneau le doyen se mit à compter jusqu'à trois, à la fin du compte à rebours les deux soldats commencèrent à laisser lentement tomber la corde, une fois l'homme à deux doit de rencontrer son créateur le doyen fit un geste de main fatal au père de famille, l'homme, tel une écrevisse, se fit ébouillanté sous les applaudissement de la foule qui s'était rassemblé et les cris de terreur et d'effroi de la femme, qui malgrès ses derniers gigotement inutiles finit comme l'homme qu'elle avait épousé.

Encore le visage collé à leur fenêtre, les deux frères avaient observé toute la scène. Apeurés et horrifiés, le plus téméraire des deux prit la main de l'autre et l'entraîna avec lui. Ils sortirent par la porte arrière de la maison et partirent en courant dans la forêt. En courant, l'un d'eux se prit le pied dans une branche et tomba dans la neige. Son frère le vit et fit demi-tour, il s'abaissa à ses côtés et toucha l'entaille que son frère s'était faite avec la paume de sa main. La blessure brilla un peu et se referma doucement. Le garçon aida son frère à se relever et les deux reprirent leur course en s'enfonçant dans la forêt. Ils pouvaient encore entendre au loin les cris et les applaudissements de la foule mêlés aux croassements des corbeaux qui survolaient maintenant la forêt.

 Ils pouvaient encore entendre au loin les cris et les applaudissements de la foule mêlés aux croassements des corbeaux qui survolaient maintenant la forêt

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