Gotham – 1981
« - Tu veux une autre blague Murray ? ... Tu obtiens quoi si tu croises un aliéné mental solitaire avec une société qui l'abandonne dans son coin et le traite comme de la merde ?! »
Face au clown qui vomissait sa haine du monde sur le plateau télé, le grand présentateur Murray Franklin gesticulait en direction de son agent, dans le but d'appeler la police.
« - ... Je vais te dire moi, ce que tu obtiens. Tu obtiens ce que tu mérites, enculé ! »
En une fraction de secondes, Murray s'effondra dans le fond de son fauteuil, une plaie béante au milieu du front. Son sang éclaboussa jusqu'au nom écrit en lettres immaculées sur le mur derrière lui.
Le Joker, tout juste né, le visage moucheté du sang de sa victime, resta quelques secondes à scruter le public affolé de son regard émeraude. L'adrénaline courait dans ses veines, son corps était tendu comme un arc , sa jambe droite tressautant nerveusement.
Et soudain le rire. Familier pourtant, mais libérateur. Plus jamais il n'aurait à souffrir de ce handicap. Plus jamais il ne serait en lutte perpétuelle contre lui même et ses émotions. Arthur Fleck était mort ce soir. De ses cendres, tel un phœnix déployant ses ailes aux langues de feu, Joker venait de s'embrasser pleinement. Ce soir, en direct à la télévision, cette société elle même folle et malade venait de faire la connaissance de son nouveau fléau.
Alors il se leva, et dans sa rage meurtrière, tira une seconde fois dans le corps sans vie de celui qu'il avait autrefois considéré comme une figure paternelle. Puis, il fit la seule chose qu'il savait faire lorsque les émotions le submergeaient, il dansa sur le plateau télé avant de s'avancer vers la caméra qui tournait toujours.
« - Bonne nuit. Et surtout n'oubliez pas ! That's Li ... »
Le visage du Joker fut coupé afin de laisser place à la page « programme interrompu ». La Spanish Flea résonna dans la pièce, rendant l'atmosphère étrangement décalée.
Assise à même le sol miteux de son appartement, Rose Davis était secouée de sanglots. Elle venait d'assister, horrifiée, au meurtre du présentateur télé le plus connu de Gotham City, en direct à la télévision.
Elle venait d'assister également en direct au point final de la descente aux enfers de son ex petit ami.
Arthur Fleck était l'homme le plus doux et le plus gentil qu'elle ait connu. Ces qualités chez un homme vivant à Gotham City étaient rares. Il était certes, parfois un peu maladroit socialement et extrêmement timide. Souffrant d'un handicap et de dépression chronique. Mais il était un homme bien. Un homme profondément bon et ne souhaitant faire que le bien autour de lui.
Le monde dans lequel il évoluait l'avait rongé de l'intérieur. Tel un ver gâtant un fruit mûr.
Rose l'avait rencontré alors qu'elle emménageait dans le même immeuble, elle vivait dans l'appartement au dessus de celui qu'il partageait avec sa mère.
Très vite, la jeune femme de vingt-sept ans fut intriguée par ce voisin au regard triste qui s'habillait comme un homme de cinquante ans. Elle le croisait régulièrement le soir au moment de relever le courrier. Bien souvent, Arthur croisait son regard avant de rapidement se mettre à fixer ses pieds, sa posture légèrement voûtée vers l'avant lui donnant soudainement l'air de porter tout le poids du Monde sur ses frêles épaules.
Rose lui disait bonjour tous les soirs, et même si elle n'obtenait pas forcément toujours de réponse, le sourire qui s'étirait sur les fines lèvres de son voisin suffisait à lui faire plaisir. La timidité d'Arthur Fleck était touchante et il était l'un des seuls hommes de la ville qui ne la voyait pas comme un vulgaire corps dont on peut espérer disposer après avoir lancé deux ou trois remarques fort peu élégantes. Les gentlemen n'existaient pas à Gotham.
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Another Love
RomanceRose Davis est le premier amour d'Arthur Fleck. Lorsque Joker prend soudainement le contrôle de la vie de son amant, sa propre vie vole en éclats en quelques jours. Deux ans après les évènements du Murray Franklin Show, alors que Rose tente péniblem...