Chapitre 8

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Kim


Assis dans l'aéro-train pour Grenoble, j'avais passé mon fauteuil en mode confort pour réfléchir tranquillement. Il me faudrait deux heures de train, puis une bonne heure de voiture pour arriver sur les Hauts Plateaux du Vercors. Ma famille maternelle y possédait des terres, pas loin du village de Gresse-en-Vercors. C'est là, que la création de notre cité commencerait.
Un peu à la manière d'un jeu de gestion, j'avais réfléchi à une stratégie pour les étapes de construction. Il nous faudrait d'abord des logements, puis remettre la ferme en état pour pouvoir devenir autosuffisants. Les enfants pourraient aller à l'école du village dans un premier temps. Cependant, quand les nouvelles lois seraient promulguées, il nous faudrait penser à un centre d'éducation et de formation. Lors de notre « soirée » de fin de recherche, nous avions réalisé les études de contextes et d'enjeux. Nous avions même eu le temps de réfléchir aux premiers plans avec Aline, Diop et Hamza respectivement architecte, paysagiste concepteur et urbaniste. Ils seraient les premiers à concrétiser nos ambitions. J'aurais pu partir et continuer à diriger des recherches dans des laboratoires internationaux, mais l'idée de mettre en application le fruit de plusieurs années de travail avec une équipe brillante était gratifiante et jubilatoire. Je voulais prouver à mon pays qu'il pouvait changer son modèle de pensée. Je finis par m'assoupir, bercé par mes idées et le bruit cotonneux de l'aéro-train.

« Grenoble, bienvenue dans la capitale des Alpes ! »

Je me levai. En m'étirant, je jetai un coup d'œil à mon reflet sur l'écran de mon téléphone pour vérifier que mon déguisement tenait toujours la route.
Je sortis nonchalamment. L'air était différent de celui de Paris. Pas besoin de respirateur ici. La ville avait dépensé une fortune dans un système de purification d'air, un mélange de techniques paysagères et d'intelligence artificielle. J'admirais les stations intégrées dans l'espace public, des totems végétaux et lumineux, qui donnaient fraîcheur et oxygène. Je réalisai soudainement que cela faisait cinq ans que je n'étais pas venu. Depuis la mort de ma mère. J'eus un pincement au cœur, c'était dur de revenir ici alors qu'elle n'y était plus. Je chassai rapidement cette idée de mon esprit, je devais me rendre au laboratoire de l'entreprise qui fournirait une grande partie des matériaux nécessaires au projet. J'y retrouverais mon équipe de bâtisseurs. Aline et Diop avaient rendez-vous avec le directeur de l'entreprise pour lui exposer notre projet : Monsieur Vennute était l'une des personnalités qui avait contribué aux innovations urbaines de Grenoble. Nous l'avions contacté il y a plusieurs semaines, et il avait accepté de nous rencontrer.

— Kim ! me lança Hamza, tu as perdu vingt ans ou quoi ?

— Haha très drôle, vous avez fait bon voyage ? demandais-je.

— Oui, on est arrivé en fin de matinée, on a déjà loué la voiture.

— Un café en attendant la team ?

— Volontiers, acquiesçais-je, je suis groggy.

Diop et Aline ne tardèrent pas à arriver un grand sourire aux lèvres.

— Le contrat est signé ! annonça Aline.

— Ils sont hyper enthousiastes de participer au projet. Ici, à Grenoble depuis la première crise climatique, ils n'attendent rien du gouvernement, rajouta Diop.

— Monsieur Vennute n'a même pas soulevé un sourcil en nous entendant raconter ce qui s'est passé à l'Elysée. 

— Il a même suggéré de déplacer les locaux de l'entreprise et le laboratoire dès le début des travaux.

— Parfait, il faut donc monter à la ferme le plus rapidement possible et définir les plans définitifs sur site. Nous irons su place demain matin.

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