Chapitre 16.2 - rework

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Wassalie

J'hurle toujours lorsque j'ouvre les yeux. Le visage d'Hyro est penché au-dessus de moi, inquiet. Je suis allongée au sol, sur le dos. Il est penché à quatre pattes au-dessus de moi et maintient fermement mes bras plaqués sur la pierre froide pour m'empêcher de bouger. Je suis terrorisée. Ma vue est brouillée par mes larmes. Que se passe-t-il ? Suis-je réveillée ? Ou toujours dans le cauchemar ?

Je tourne la tête sur le côté et vois que les mains d'Hyro émettent une vive lueur blanche. Une lueur qui se déverse en moi comme une coulée d'acide. La douleur me foudroie. Je me débats mais il me retient fermement. La lumière m'irradie totalement. Mon corps se cambre tandis que les Ombres qui étaient agrippées à moi se désagrègent pour retomber en poussière.

Puis tout s'arrête. Hyro lâche mes bras et se laisse tomber en arrière, essoufflé. Je respire bruyamment et de façon saccadée. Je reprends peu à peu conscience de mon environnement et m'apaise en réalisant que je ne suis plus dans le camp. Mais à Myrtha. Dans le palais. Et que tout ce que je viens de vivre n'était qu'une illusion. Une illusion bien trop réelle et fidèle à mon passé.

Je me redresse, le regard vide. Comment ai-je pu oublier tout ça ? Comment ai-je continué de vivre après ces années passées à O'Klatarh ? Et surtout, comment ai-je pu abandonner l'idée de poursuivre Guerin pour le tuer ?

Nek m'a aidé à enfouir cette époque tellement profondément que je me suis souvent demandé si je n'avais pas tout imaginé. J'ai beau avoir réussi à m'enfuir du camp, j'étais déjà détruite quand j'y suis parvenue. Mon esprit n'était plus rationnel, j'avais basculé dans la folie.

Pour me sauver, Nek m'a aidée à ériger des barrières mentales pour tout oublier. Mais Hyro a raison. Au final, je n'ai jamais affronté ni digéré ce que j'ai vécu. Comment le pourrai-je ?

Je tourne mes yeux vers lui. Il est toujours assis et ne semble pas aller bien. Il est ruisselant de sueur et tremble légèrement, comme s'il était en proie à une montée de fièvre.

J'ai échoué. Lamentablement.

— Je... Je suis désolée, je parviens à articuler.

— Recommence, m'ordonne-t-il tandis qu'il se relève, encore déboussolé.

— Quoi ?

— Recommence.

— Non ! Je ne peux pas. Je n'y arriverai pas !

— Recommence !

Je me lève à mon tour et le dévisage avec colère.

— Non !

— Recommence... répète-t-il lentement.

— Hors de question !

— Ne t'arrête pas sur un échec.

— Va te faire voir, Hyro ! je lui lance en me dirigeant vers la sortie.

Mais avant que j'aie pu atteindre la porte, je me retrouve enveloppée par les Ombres. Elles m'attaquent de toute part, griffant la peau de mes bras à travers ma tunique, écorchant mon dos et mon ventre. Terrifiée, je n'ose plus bouger malgré la douleur. Je protège mon visage à l'aide de mes bras ensanglantés.

Wassalie,m'appelle Syah en apparaissant devant moi. Aide-moi ! Viens à moi ! J'ai tellement besoin de toi ! Wassalie ! me supplie-t-elle en me tendant la main.

Je lève mon bras vers elle et le décor change à nouveau. Je suis revenue au camp. Attachée à ce funeste poteau. Je revois encore ma sœur se faire brutaliser alors que je suis enchainée, impuissante.

Non... Non... Pas ça... Pas... ça...

Tout est de ta faute ! me reproche la voix de Syah, résonnant dans ma tête. Ce qui m'est arrivé est entièrement de ta faute ! Tu dois payer pour te racheter. Laisse-moi entrer !

Non ! Je n'étais qu'une enfant... UNE ENFANT ! Et j'ai tout fait pour te protéger !

C'est faux ! Autrement, ils ne m'auraient pas fait ça !

J'ai tout enduré pour toi ! Tout ! Mais ce qu'ils m'ont demandé ce jour-là... Je n'ai pas pu ! Je n'ai... pas pu... Parce que j'étais prête à renoncer à tout. Sauf à mon âme.

En prononçant ces paroles, la peur qui m'habite me quitte et le sentiment de culpabilité disparait.

Je te demande pardon, Syah, je murmure en laissant couler une larme. Pardon de ne pas avoir été plus forte et de ne pas t'avoir sauvée. Mais je ne veux plus vivre avec ce poids. Parce que moi aussi je n'étais qu'une enfant. Et personne n'est venu me sauver.

Je ferme les yeux, effaçant le visage et la présence de ma sœur de mon esprit. Je fais disparaitre le camp, les hommes, les cris et la douleur. Je m'entoure de noir. De vide. De paix. Et je la vois enfin. La muraille d'obsidienne qui se dresse tout autour de moi. Une muraille infranchissable.

Je soupire. Je suis à l'abri. En sécurité.

J'inspire et ouvre les yeux. Je suis à nouveau allongée par terre, ma tête posée sur les genoux d'Hyro. Il m'observe, une expression indéchiffrable dans le regard.

Puis je prends conscience de ce qui vient de se passer. J'ai réussi. J'ai repoussé les Ombres et suis même parvenue à ériger une protection.

Sans un mot, nous nous relevons. Hyro est étrangement silencieux. Il est toujours en sueur et parait mal à l'aise.

— La leçon est terminée, finit-il par dire avant de se détourner. 

EROBYE - Tome 1 : Le MiracleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant