Le dernier mot - Tome 1

Chapitre 1

     Emilia

     La journée d'aujourd'hui m'a épuisée. Voilà maintenant un mois que je suis rentrée au lycée et je ne me fais toujours pas à mon emploi du temps. Les années précédentes, au bout d'une semaine, voire deux, j'avais déjà mon rythme. Mais la seconde c'est très différent surtout que j'ai beaucoup de pression sur le dos pour réussir cette année. Je suis très investie dans mes cours et je dois avouer que pendant le mois de septembre je n'ai fait aucune sortie. Je ne suis même pas allée à la librairie ce qui est très étrange venant de moi.

On est lundi, la semaine commence bien. Je n'ai qu'une heure de pause aujourd'hui. Mais je n'ai qu'une envie : rentrer chez moi et me jeter sur mon lit pour dormir. Mais avant ça il faut que je prenne le bus qui me ramène à la maison. J'en ai pour au moins une heure, des fois ça prend plus de temps. Il y a souvent des embouteillages dans le coin donc la plupart du temps j'en profite pour dormir aussi. Tous les endroits sont bons pour dormir ou sortir un bouquin.

     Quand je vois le bus arriver, je m'avance doucement vers le bord du trottoir pour pouvoir monter dedans. Le lundi soir, il y a toujours plus de monde que les autres jours. Au moins, en montant dans les premières, j'ai plus de chances d'avoir une double place rien qu'à moi.

     J'avance un peu dans l'allée et m'assois vers le milieu du car. Je pose mon sac sur mes genoux et me laisse porter par la musique qui retentit dans mes oreilles. Alors que les autres lycéens sont encore en train de prendre place, je m'installe plus confortablement et ferme les yeux pour commencer ma sieste.

     À ce moment précis, je n'en ai rien à faire du regard des autres. Même si j'ai l'impression qu'ils sont tous fixés sur moi... Depuis quelque temps, j'essaie de moins faire attention à tout ça et juste d'être moi-même. Certains jours sont plus faciles que d'autres.

     C'est quand je commence à me couper du monde que j'entends une voix m'interpeller. Après avoir sursauté et rougi d'embarras devant mon effroi disproportionné, je comprends que le garçon qui se tient devant moi me demande s'il peut s'asseoir. Le chauffeur n'a pas attendu qu'il ait pris place avant de démarrer et il se tient tant bien que mal pour ne pas s'étaler de tout son long. Je lui dis sans hésitation qu'il peut prendre place. Je ne vois pas pourquoi je le lui refuserais, surtout au vu de sa situation.

     Je me souviens l'avoir déjà aperçu quelques fois dans les couloirs du lycée ou dans le bus mais à part le fait qu'il soit en terminale, je ne connais rien de lui. À vrai dire, je n'en ai pas grand-chose à faire. Je me contente de peu de personnes dans mon entourage, je ne cherche pas spécialement à faire des rencontres.

     Le garçon sort son téléphone et y branche ses écouteurs. Souvent, quand je vois des personnes de mon âge, seules, sans musique dans les oreilles, je me demande comment ils font. Dans ma tête tout le monde aime la musique alors que chacun a des goûts différents. Mais comme celle-ci a une très grande place dans ma vie ça me parait étrange. Parfois, je me demande ce que je serais sans elle. Dès que je ne peux pas en écouter, je me sens vide d'une certaine façon.

     Les musiques s'enchaînent les unes après les autres tout comme les minutes. Je regarde le paysage défiler sous mes yeux au fur et à mesure que le bus avance. J'adore faire ça, il ne se ressemble jamais, je passe pourtant devant matin et soir mais ce n'est jamais pareil. Comme je n'apprécie pas vraiment ces trajets quotidiens, il faut que je leur trouve des avantages. Ce que j'aime le plus, ce sont les levers et les couchers du soleil. La lune cède sa place au soleil puis inversement. C'est généralement la plus belle chose que je vois de toutes les journées. Un spectacle pour les yeux. Quand je peux, j'en profite pour faire des photos. Je ne suis pas une passionnée du ciel. J'apprécie seulement les belles choses. Et, à mes yeux, ce phénomène fait partie des plus beaux.