Incarcerem

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« Refuser d'aimer par peur de souffrir, c'est comme refuser de vivre par peur de mourir. »

{Anonyme}

Décidément, Tom ne portait pas Morovitch dans son coeur. Adossé au mur, il suivait d'une oreille distraite la conversation de Malefoy et Lestrange avec deux étudiants de Durmstrang, dénommés Raknor et Sven. Toutefois, il ne parvenait pas à se concentrer, des milliers de questions se bousculaient en lui. Il tentait de ne pas fixer le couple formé par Hermione et Morovitch, mais cela se révéla exceptionnellement difficile. Chaque mouvement, chaque expression de la jeune femme était prétexte à interprétation. Il était incapable de déterminer ce qu'elle ressentait pour le professeur. Elle riait en dansant, mais la paire était remarquablement désaccordée. Ils se marchèrent sur les pieds, les improvisations chorégraphiques de Morovitch tombaient régulièrement à plat, ils n'évoluaient tout simplement pas sur le même tempo.

Parfois, les yeux de Tom et d'Hermione se croisaient, et son coeur ratait un battement. Morovitch pouvait bien la faire tournoyer tant qu'il voulait. Il savait qu'elle avait refusé d'accompagner ce parvenu au bal, qu'elle lui accorde une danse ne voulait rien dire. Le professeur de duel n'aurait jamais, avec elle, cette harmonie qui les liait tous les deux, chacun anticipant les mouvements de l'autre, sans même avoir à y penser.

Il songea à ce qu'il s'était passé dans le parc quelques instant plus tôt. Rien n'avait été planifié. Ses yeux chocolats, encore brillants des larmes qu'elle tentait de cacher, avaient déclenché autre chose que du mépris chez lui, cette émotion à laquelle il commençait à s'habituer. Il n'avait pas voulu lui demander pourquoi elle pleurait, parce que, s'il était dans sa situation, il aurait envoyé promener n'importe quel malheureux qui aurait eu l'audace de le questionner. Sans le réaliser, Tom avait fait preuve d'empathie.

Leur discussion était riche en enseignements, mais un élément majeur comptait à ses yeux : il ne s'était pas fait des idées. Elle l'évitait bel et bien et il en connaissait la raison. Paradoxalement, les révélations l'avaient soulagé. C'était une chose de se convaincre qu'il n'était pas fautif, c'en était une autre que de se l'entendre confirmer. Elle culpabilisait de l'avoir amené à utiliser la magie noire. Si elle savait ! Il en était imprégné jusqu'à la moelle, si elle savait ce qu'il avait fait... Sa confiance avait alors vacillé un court instant. Comment réagirait-elle en apprenant qu'il était un assassin ?

Il avait balayé cette pensée, en la regardant s'exprimer avec passion, étincelante dans sa robe dorée. Les mots pour la convaincre se tarirent surprenamment vite. Et il avait finalement cédé à l'envie dévorante qui l'avait envahi tout au long de leur échange, d'un élan de spontanéité qui ne lui ressemblait pas. Cette fois, c'était lui qui avait initié leur contact physique, se plongeant dans un état second à partir du moment où il avait glissé son bras autour d'elle. Hermione n'avait pas résisté. L'hésitation dans ses yeux bruns, ses rougissements, son souffle erratique, si près de lui, tout cela avait provoqué un tsunami d'émotions en lui, impossible à réprimer. Il en avait eu mal, mais étonnamment, cette douleur n'était pas désagréable. Il s'embrasait de l'intérieur, en silence, et il se surprit à aimer ça. Il recherchait surtout une délivrance, mais il ne savait pas comment...

« Vous allez voir, Morovitch est un excellent professeur de duel, il va manquer à nos camarades de Durmstrang. C'est un ancien étudiant qui le remplace pendant son absence », expliquait Sven avec un accent marqué.

« A Poudlard, c'est aussi une étudiante qui assure nos cours de métamorphose à la place du vieux Dumbledore... », indiqua Malefoy d'une voix traînante.

« Ah oui, miss Jean, n'est-ce pas ? », ricana Raknor. « Nous en avons entendu parler, oui. Elle a fait forte impression sur Morovitch. »

Lestrange et Malefoy esquissèrent un sourire narquois pour la forme, mais leurs regards inquiets en sa direction, n'échappèrent pas à Tom. Ils avaient compris depuis quelques mois que Voldemort était imprévisible en ce qui concernait la jeune stagiaire, et ils n'avaient aucune envie d'essuyer son irascibilité. Il se contenta d'hausser les épaules, indifférent, et Lestrange se hâta de faire dériver la conversation vers des eaux plus sûres.

Le Temps, cet InconnuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant