Chapitre 12 - K

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Lorsque nous entrons dans la salle, Polly s'exclame presque automatiquement:

"Ah, mon duo gagnant! Aujourd'hui nous répétons la scène du bal et celle du baiser. Venez vite!"

Je frissonne. Nous n'avons jamais vraiment répété la scène du baiser encore. Cela veut-il dire que Alec va devoir m'embrasser? Devant tout ce monde? Je déglutis. C'est un cauchemar. Je m'avance vers la scène, désormais familière, aux côtés d'Alec. Dans cette partie de la pièce, je dois prétendre que je suis morte et Alec essaye de me réveiller, avec une forte inspiration de La Belle au Bois Dormant.

Je m'allonge sur la scène et ferme les yeux. Le sol est froid et poussiéreux. Polly hurle des ordres aux autres élèves pour leur intimer de se taire. Alec commence à lancer son texte:

"Oh ma Juliette, ma tendre, mon adorée, que t'arrive-t-il? Tu ne te réveilles pas?"

J'essaye d'avoir l'air le plus neutre possible. Mon cœur bat si fort que j'ai peur qu'Alec puisse l'entendre. Il continue:

"Laisse moi déposer sur tes lèvres un doux baiser afin que tu puisses sortir de ce sommeil inquiétant qui te maintient prisonnière".

C'est le moment. Je sens sa main sur mon épaule , je le sens se pencher.

Soudain, un bruit sourd se fait entendre. J'ouvre les yeux, me tourne vers le public afin de voir ce qui semble nous interrompre. C'est une élève, humaine, qui pleure et se tient le genou. Je reconnais un des sbires de Cécylia. Polly panique légèrement:

" Que tout le monde se calme, enfin ce n'est rien!"

La jeune fille au sol ne semble pas s'arrêter de pleurer. Ses amis se rassemblent autour d'elle et commence à murmurer à la foule "Je suis sûre que c'est cassé". Notre professeur de théâtre fait de grands signes au public qui semble s'inquiéter de seconde en seconde.

"Bon d'accord, je vais appeler une ambulance. Mais que personne ne dise que c'est de ma faute. Je ne suis quand même pas responsable si une élève ne peut pas suivre la consigne simple "Regardez la pièce et restez sages"! "

L'agitation se calme et Polly compose le numéro des urgences. L'élève est inconsolable, et ses amies continuent de semer la panique dans la pièce. Les secondes s'égrènent dans une atmosphère de chaos ingérable, que même la professeure ne parvient pas à contenir. Rapidement, le bruit d'un sirène se fait cependant entendre, et détend un petit peu la foule. Subitement, la jeune fille par terre se lève, et s'exclame "Ah tout va mieux maintenant", avant de se diriger vers la sortie. Polly s'assoit et se prend la tête entre les mains.

" Sortez, j'en ai assez eu pour aujourd'hui. Vous avez réussi à ruiner votre dernière répétition avant le spectacle! Vous avez intérêt à être au point pour la pièce".

Les autres élèves quittent l'amphithéâtre. Polly nous retient:

"A part vous deux! J'ai quelque chose à vous dire".

Nous nous approchons d'elle.

"On va s'arrêter là pour aujourd'hui malheureusement , mais vous devriez travailler un peu plus votre rôle. Pourquoi pas essayer de faire des répéts en dehors des cours, histoire d'être plus soudés?"

J'ai presque envie de rire. Moi? Répéter avec Alec en fin de journée? Jamais. Ce dernier s'esclaffe franchement.

- On y veillera madame, ne vous inquiétez pas à ce sujet.

Alec s'éclipse de la pièce en m'entraînant par la taille. Nous nous retrouvons dehors, devant le soleil orange du crépuscule, et il me murmure à l'oreille:

"Alors mon Ange, tu penses que l'on devrait les faire ces sessions de travail rien que toi et moi ?"

Il part ensuite dans un grand rire qui résonne longtemps dans l'air, comme si je venais de lui raconter une blague très drôle. Maintenant que je ne suis plus paralysée par la peur de sa présence, je me sens la force de lui répondre.

"Je... Je ne pense pas que ça soit une bonne idée".

J'essaye de paraître la plus froide possible. Alec s'arrête enfin de rire. Ses yeux bleus prennent un éclat de malice que je ne connaissais pas.

- Tiens tiens, tu as la parlote depuis quelques temps Kara. J'aime bien ça.

Je me sens rougir. Mais je réponds tout de même:

- Oui, et je ne vais pas m'arrêter la.

Cela le fait sourire. Il raffermit sa prise sur ma hanche avant de déclarer:

"Dans ce cas-là tu verras bien ou ça te mène".

Il s'écarte de moi et s'avance vers un coin sombre de la cour. Une seconde plus tard, il n'est plus là. Je reste quelques instants dans mes pensées, mélancolique . Je ne trouve pas que c'est un comportement normal à accepter, surtout à l'égard de Cécylia. A quoi joue-t-il?

Je rentre penaude aux dortoirs, sans réellement savoir pourquoi. J'angoisse à l'idée de devoir rester seule désormais. C'est presque comme si l'étrange présence d'Alec me... manquait? Sur le chemin, je croise quelques unes des amies de Cécylia et, alors que je me rapproche, je distingue une masse sombre, que l'une d'elle semble tenir entre ses mains.

Une batte de baseball!

Je m'empresse de regagner mon dortoir au pas de course, en ignorant leurs petites remarques à mon passage. J'y arrive sans encombres, heureusement pour moi. Je me déshabille vite une fois dans ma chambre, et me glisse sous les couettes, happée par le froid de l'hiver. Je sombre rapidement dans un sommeil profond.

***

Je ne suis plus moi. Je suis une jeune femme au ventre rond, allongée sur le sol, qui regarde avec effroi deux vampires se battre. Je hurle, mais ce n'est pas moi qui hurle. Tout est étrange dans ce rêve. j'entends des pleurs, des cris. Un des deux vampires gagne. Je hurle à nouveau et soudain, il fait froid, et je ne suis plus là. Il ne reste plus qu'un petit bébé joufflu, qui pose sa main sur mon visage, alors que je suis pourtant bien partie.

***

Lorsque je me regarde dans la glace ce matin la, je ne me reconnais pas. Mes yeux sont d'un jaune vif, comme ceux des chats. Et j'ai faim, encore une fois. Une faim étrange qui me tiraille le ventre et que rien ne calme. Que m'arrive-t-il?

Mean Vampires - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant