Chapitre 12

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Thomas


Travailler à l'usine de production énergétique était l'un des emplois les plus laborieux, mais au moins c'était bien payé. Grâce à cet emploi, nous n'avions pas eu à changer d'appartement après notre retrogradation. Nous habitions dans le sous-quartier de La Croix Rouge, « Pays de France ». Un drôle de nom pour un quartier aussi multi-ethnique dont les origines anciennes et nouvelles venaient des cinq continents. La petite délinquance ne nous avait jamais touchée. Ici les gens survivaient en harmonie, les cultures et les traditions se mélangeaient bien avant la loi de 2062. Mon travail payait suffisamment pour que Lena n'ai qu'à travailler un mi-temps. Elle s'occupait de l'éducation de Tamsir maintenant que le gouvernement avait supprimé l'école maternelle et primaire. Je n'avais plus beaucoup de temps avec mon fils. C'était dur, mais j'avais bon espoir que la situation en France change, en attendant il fallait résister. La difficulté de mon travail résidait plus dans la survie aux horaires aléatoires que dans la compréhension des tâches à effectuer. Ce poste demandait à peine plus que les bases de physique et de femtechnologies.

L'E.P.F, pour Énergies Plurielles Françaises, avait bien géré la crise gouvernementale de 2062 en proposant aux cadres scientifiques retrogradés, des postes de chefs d'équipe. Le corps scientifique n'avait pas vraiment eut le choix, c'était ça ou la déportation. L'E.P.F avait facilement trouvé de la main d'œuvre qualifiée à un coût raisonnable. Exactement ce qui lui manquait pour améliorer ses rendements. Beaucoup de professeurs de mathématiques, de physique quantique, ainsi que des ingénieurs en tout genre se retrouvèrent dans l'entreprise semi-étatique. Chaque ville possédait une centrale similaire. La production énergétique n'était plus aussi linéaire et prédictible que lorsque le pays se reposait principalement sur le nucléaire à l'uranium et le pétrole. L'énergie était aujourd'hui multi-sourcée, explosions solaires, thorium liquide, V-éoliennes... Cependant les nouveaux moyens de stockage de ces énergies étaient encore expérimentaux. Il fallait donc la présence permanente d'une équipe de gestion, pour stocker et re-répartir les flux énergétiques. Sinon la centrale risquait d'exploser et la ville avec.
Aujourd'hui, j'étais de retour à la centrale. J'avais réussi à avoir deux jours de congés consécutifs pour la naissance de Meïssa et Assiya, un exploit hors période de vacances. Il était cinq heures du matin, je quittais mon poste de surveillance pour prendre un café dans la salle de détente. Je passai mon badge machinalement pour sortir de la salle de contrôle. Le capteur scanna ma pupille et me laissa sortir. Je me dégourdis les jambes en attendant mon café. Pas sûr qu'on puisse encore appeler ça un café, de l'eau chaude, de l'arôme de synthèse et de la caféine. Tout ça à cause d'un mode de production destructeur qui avait conduit à l'extinction de l'espèce. Après les crises climatiques, de nombreuses espèces végétales étaient devenues stériles. La création de clones fertiles coûtait cher, très cher. Il avait fallut choisir entre le café et le chocolat et le choix avait été vite fait. Il y avait assez d'amertume dans ce monde, on avait besoin de sucré... Je fus interrompu dans mon flot de pensées par un homme bruyant : Monsieur Ethan Garance, le directeur de notre unité de production.

— Félicitations F- 1 31 10 96 26 320-2C, j'ai appris que votre femme a accouché de jumeaux. Vous permettez que je vous appelle Thomas ? Vous au moins, vous avez un prénom prononçable pour un Pigmenté! ria-t-il en donnant une grande tape sur l'épaule.

— Merci Monsieur, répondais-je sur le ton le plus neutre possible.

J'avais besoin de ce travail plus que jamais maintenant que nous étions cinq. Il était mal vu de se vexer maintenant que le racisme avait « disparu ».

— Vous ne le prenez pas mal eh ? On ne peut plus rire aujourd'hui, les gens sont trop susceptibles ! dit-il avant de lâcher un rire malaisant.

— Non, non, je suis juste fatigué, j'ai commencé le shift de deux heures.

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