XXIII - Rage Léonine - Partie 4

8 5 0
                                    

 La frustration qu'éprouvait Assad dépassait les limites de l'imaginable. Ils ne parvenaient pas à passer outre les crimes et les moqueries de Lunera à son égard, et à l'égard de son épouse. Elle l'avait tuée, lui avait coupée une main, et même avec le plus fort des pouvoirs, il avait échoué à défendre l'honneur de sa chère Zahya.

Si seulement... si seulement, l'un d'eux me rejoignait...

Le coup traître de Lunera et la déferlante magique qu'il avait employé avait épuisé Assad. En revanche, Lunera était tout aussi éreintée, le corps et l'esprit à vif, ayant subi les sévices de la Sorcellerie et les multiples attaques d'Assad : si un de ses amis venait à lui, ils en triompheraient, pour sûr !

Le vrombissement d'un moteur vint troubler le fracas incessant des vagues sur les falaises escarpées callistoises.

Elle ne fait qu'enchaîner les victoires !

Lunera gagnait toujours, et ça, Assad ne parvenait pas à l'accepter. Saisissant jusqu'aux moindres extrémités de son corps, une fureur terrible l'oppressait.

C'est tellement injuste !

Comme une gangrène rongeant la chair, la frustration lui dévorait l'âme. Son coeur tout entier se consumait, tourmenté par les affres du désir de vengeance. Pour Zahya, il fera tomber la lune.

Pour Zahya, je ferais tomber la lune.

Son pouvoir magique était à zéro, mis à mal par les efforts intenses de son combat. Cependant, encore une fois, il pouvait puiser ailleurs.

Sultakara, pardonne-moi... Pardonnez-moi, mon peuple... Je vais encore attenter au cristal de notre royaume, mais il le faut... Pour venger votre reine.

Assad serra les dents, et se redressa quelque peu, se forçant d'ignorer son dos douloureux. Ses blessures à vif lui faisaient un mal de chien, d'autant plus qu'elles picotaient, réagissant au sel marin déposé par les rafales venteuses de Callisto. Le vaisseau demeurait encore visible dans les cieux, pas encore suffisamment éloigné pour être hors de portée.

Zahya.

Il revoyait son visage souriant et paisible. Sa mémoire repassa en boucle son rire cristallin, et sa voix suave, toujours avenante envers lui. Une source d'espoir, une source d'inspiration, une source de magie.

Arcane interdit de Sultakara ! Apocalypse !

Un violent séisme secoua la terre, tandis que des motifs de lumière rouge se dessinèrent tout autour d'Assad. Un alliage de dessins complexes, de lettres inconnues, et de figures géométriques, le tout fermé dans un immense cercle dont Assad était le centre. Le dessin lumineux tout entier se mit à tournoyer, à une vitesse de plus en plus importante à chaque tour, et tout à coup, un rayon de magie pure, arkhale, évoquant la sublime essence de l'Âme de la Planète, s'élança pour aller frapper le vaisseau volé.

☾☾☾

 Pensant être en sécurité, Lunera s'était affaissée le long du mur, regardant d'un air distrait le tableau de bord. Elle n'avait même pas la force de traîner son corps fatigué vers la cabine pour se reposer. La position dans laquelle la jeune fille demeurait n'était pas trop inconfortable. Elle ne ressentait presque pas la douleur.

Tout à coup, le rayon déchaîné de l'arcane interdite d'Assad frappa l'aile est du vaisseau, le déséquilibrant dangereusement. Lunera hurla, paniquée, et tenta tant bien que mal de rejoindre le pont. Les violentes turbulences qui secouaient le Rubis Rouge ne l'aidaient pas dans son avancée.

— Non... gémit-elle, non ! Je n'ai plus de force, je ne peux plus rien faire... Serait-ce...

L'image des comparses d'Assad s'interposa dans son esprit. Étaient-ils remontés à la terre ferme ? Agrippée à la rambarde de l'escalier comme si ça vie en dépendait, Lunera remonta les quelques marches qui la menèrent au large pont du navire. Là, elle porta son regard sur la terre callistoise.

Ses pupilles se dilatèrent à l'extrême, et elle sentit son coeur tomber comme une pierre au fond de son corps. Baigné de cette magie interdite, Assad mettait à contribution ses dernières forces pour la détruire.

— ASSAD ! rugit-elle. J'aurais dû t'achever, rah ! Comment peux-tu... Tu ne pouvais pourtant pas bouger !

Plusieurs jets de magie pure suivirent le premier, après ce long intervalle. Comme des coups de canon, ils vinrent éventrer la coque de l'aéronef avec férocité, le faisant ainsi basculer. Lunera, prise de court, fut emportée par le déséquilibre engendrée par l'attaque, et faillit passer par-dessus bord. Elle se retint au balcon, son aisselle droite accrochée, tandis que ses pieds pédalaient dans le vide.

Ses yeux lorgnaient l'océan en dessous d'elle, à quelques centaines de mètres en dessous. Des éléments du vaisseau étaient déjà tombés et commençaient leur long voyage jusqu'aux abysses obscurs de ces eaux glaciales. Déglutissant, Lunera observait avec de grands yeux la masse insondable qui s'étendait en-dessous d'elle. De gros bouillons s'y échappaient.

Je...

Aucun instant de répit ne fut accordé à Lunera. Une nouvelle secousse lui perdit son appui, et hurlant à la mort, elle chuta vers l'océan. Le fier Rubis Rouge lui-même n'en pouvait plus et accompagna Lunera dans cette folle descente.

Elle put tout de même voir l'ultime attaque de ce maléfice dont elle ignorait tout. Le cercle dont Assad était le centre avait disparu et c'était matérialisé juste au-dessus du vaisseau. Les figures complexes et dessins de lumière, convergèrent tous vers un point unique, et toute une série d'émanations destructrices pulsèrent vers le vaisseau. Les pulses de magie frappaient et déchiraient le navire, comme la foudre déchirait le ciel, lors des temps troubles.

Ses sens furent perturbés du tout au tout lorsqu'elle plongea dans les eaux tempétueuses qui l'emportèrent dans leurs courants furieux. Malencontreusement, elle ouvrit sa bouche et avala par mégarde une quantité conséquente d'eau salée. La gorge irritée, la peau à vif, les sens désorientés, le corps tout entier de Lunera protestait.

Les eaux se faisaient de plus en plus obscures. La surface paraissait tellement lointaine. L'air manquait, et ses poumons en souffraient. Chaque seconde qui passait ne cessait de croître son envie de se laisser aller à l'inconscience. Abandonner, arrêter de se débattre comme un beau diable. Elle allait mourir noyée, Lunera le sentait : quelle horrible fin !

Sa vision se faisait de plus en plus floue. Une lumière bleutée brilla autour d'elle. Était-ce la porte vers l'autre monde ?

En fait, cette clarté venait de son cou. Plus précisément du pendentif qui, selon Darkodem, appartenait à sa mère. Une sphère lumineuse entoura Lunera, le temps d'une seconde, et disparut. Lunera avec.

Terreur Lunaire - Livre 1 - Vers le Cœur ArkhaleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant