7. Viendrais-tu pour panser mes plaies ?

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Le livreur d'hier me tend une bouteille argentée, je l'attrape instinctivement sans un mot. Il incline alors légèrement la tête et tourne les talons, filant sur sa bicyclette. J'entends la sonnette de son deux-roues tinter au loin dans le voisinage et me hisse sur la pointe des pieds, les sentiers, tous plus ou moins sinueux concordent en une route principale. Cette route s'insère en plein centre-ville, j'y aperçois un clocher immense qui s'y dresse fièrement.


Je décapsule la bouteille et bois une gorgée. J'ai une mine épouvantable.


Je me suis assoupi après m'être goinfré d'herbes, c'est à ce moment que j'ai dû être hanté par ce mauvais rêve. J'ai le visage humide. Il m'a fallut me barbouiller à l'eau froide ce matin pour enfin parvenir à me rendre compte que je n'ai jamais été chez ce voisin énigmatique, je porte encore ma chemise d'hier, tombant jusqu'à mi-cuisse et des sandales usées, aux lanières de cuir craquelées. L'effet du lait sonne comme une bénédiction. Je soupire d'aise, prenant appui contre le bois brulant de la porte d'entrée. Le ciel est d'un gris orageux et l'air, bien que chaud, est chargé d'humidité, il est pesant.



- Quelque chose se trame en ce moment.


Je fais un bond. Je sais que mon humeur est massacrante lorsque je m'entends répondre :


- Lenny, bon sang ! Tu pourrais prévenir avant de parler, je sais pas ! 


Mon sang ne fait qu'un tour alors je poursuis sur ma lancée.


- Puis, dis à tes amis de faire demi-tour aujourd'hui et pour les jours à venir ! J'en ai marre de vous entendre faire les dindons à longueur de journée, c'est usant à force.


Il a sincèrement l'air surpris et c'est bien la première fois que je le constate. Machinalement, il fait glisser ses manches retroussées sur ses bras pansés et retourne chez lui, derrière le rideau de satin. Je l'ai sans nul doute vexé mais c'est le cadet de mes soucis, l'émotion m'est soudainement montée à la tête, je sens le coin de mes yeux brûler.


Pour qui je me prends tout à coup ? C'est mon troisième jour ici et voilà que je commence déjà à me plaindre du voisinage. Je n'arrive pas à m'adapter, je ne connais rien d'ici, je veux revoir mes amis et ma famille. 


Ça gratte sur le paillasson de la porte d'entrée, je suis un chouia surpris lorsque j'y découvre Lenny, une grande trousse en plastique dans les bras. Il a toujours les boutons de chemise de traviole mais son sourire s'est teinté d'une douceur que je ne lui connaissais pas encore. Je fais un grand pas en arrière, le savoir aussi près me fait me remémorer de faux souvenirs absurdes, ceux de cette nuit.


- Punaise, tu... je-

- J'aimerais confirmer un doute Solius, tu accepterais de me montrer tes mains et tes jambes ?

- P-pourquoi ça ?! 

- J'ai une trousse de soins.

- C'est absurde, je n'en ai pas besoin...

- J'aimerais te parler un peu Solius, assieds-toi un moment, ce ne sera pas long.


Je capitule. Il semble connaître ma maison par cœur, il emprunte le couloir sans hésitation pour se rendre dans le salon, pourtant, le voilà qui me désigne le sol pour nous y faire asseoir, juste en face de la cheminée. Si hier elle était couverte d'un tapis de cendres, aujourd'hui, elle luit autant que le parquet. C'est ici qu'il dormait il y a encore deux jours, par terre. Je lui demanderai bien pourquoi il ne va pas spontanément sur ce qu'on appelle communément une chaise si déjà je n'étais pas sur mes gardes et sur les nerfs. Puis cette trousse de soins... Qu'est-ce qu'il veut ? Me chouchouter comme ses énigmatiques fans ?

Qui l'eût cru qu'un jour, une grande chèvre me renverserait ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant