🄿🅁🄴🄼🄸🄴🅁 🄲🄷🄾🄸🅇

122 13 13
                                    





*-*








Le feu qui crépite terrasse l'obscurité et réchauffe l'atmosphère moite de cette lisière de forêt qui hébergent la trentaine de jeunes en cette soirée animée. Les hiboux hululent leur mécontentement au loin, sûrement délogés par le bruit incessant que nous générons par nos éclats de voix et nos rires si peu discrets.

En même temps, que peut-on attendre d'autre de la part d'une bande de lycéens qui profitent du seul voyage scolaire de l'année ?

— Aller une dernière pour la route ! Joue-nous une chanson espagnole !

Acclamant le guitariste improvisé, qui s'amuse à gratter les cordes entre deux bières, les jeunes filles se lèvent pour exécuter quelques pas de danse autour du feu de camp. Contrairement à elles, je suis surtout intéressée par les chamallows qui prennent doucement mais sûrement une coloration attrayante au bout de mon bâton. 

— Non sérieux ... T'as vu comme elle le colle ? Ils sortent ensemble ou quoi ?

Quittant des yeux la sucrerie qui avait su capter mon attention, je jette un regard en coin à mon amie qui fixe un point droit devant elle, la mâchoire crispée et les poings serrés. Si ses pupilles lançaient des éclairs, c'est sûr que le duo assis sur le rondin d'en face serait foudroyé !

— Laisse-les un peu tranquille Mél'. Tu ne vas pas pister ton ex même au camping !?

Lassée de l'entendre parler encore et toujours de ce garçon qui était son petit-ami il y a quelques mois de cela, je souffle du nez, avant de poser mon menton au creux de mes paumes.

— Tu ne comprends pas, Lou ...  m'explique-t-elle en dessinant de grandes arabesques de ses mains, tout en faisant traîner la seule syllabe qui compose mon prénom. Cette crétine de Cécile n'attendait que ça ! Que ça ne colle plus entre Mattéo et moi pour me le piquer sous mon nez !

— Mais pourquoi tu l'as quitté alors ?

— Tu ne devrais pas me demander ça,  grogne la petite blonde les dents serrées. Tu étais là et tu as vu combien c'était difficile avec lui. On ne s'entendait plus sur rien !

— Justement, je rebondis sur sa réponse évidente. Profite de la vie sans lui et arrête de te prendre la tête. Je te connais depuis la sixième et c'est la première fois que t'es célibataire pendant une si longue période. Tu peux mater n'importe quel garçon ici et tu choisis de rester sur le même mec ! Tu me désespères !

Levant les yeux au ciel, Mél' exhibe un rictus taquin, prête à rétorquer.

— Dit-elle alors qu'elle fantasme sur le même garçon depuis trois ans maintenant sans jamais avoir tenté quoi que ce soit.

La bouche entrouverte, je laisse passer un ange entre nous, mes mots et mon attitude se retrouvent supplantés par cette allusion avérée.

Arthur ...

C'est vrai. Depuis que j'ai mis les pieds dans ce foutu lycée inintéressant dans son ensemble, bien cliché des bahuts de l'éducation française, je n'ai que lui en tête. C'est difficile à admettre, mais dès mon arrivée le matin, jusqu'à mon départ après mon dernier cours, je ne fais que le chercher du regard.

Un peu comme si j'avais une "dose d'Athur" à satisfaire au quotidien pour être repue.

Attention, quand je dis une dose d'Athur, je veux dire une dose exclusivement visuelle. Car à part ces petites séances de contemplation dérobées par mes iris insatiables, nous n'avons aucun lien. Lui et moi ne nous sommes parlés qu'une fois cette année. C'était le 10 février, vers 11 heures. Il n'y avait plus de place en cours de bio, qui est notre seul cours en commun, et il s'est assis à mes côtés. En me faisant part de son regard envoûtant, le brun aux yeux azur m'avait demandé un stylo bleu et je lui avais donné le seul que j'avais, me passant volontiers de prise de notes ce jour-là. Depuis lors, plus de dialogues : juste un boujour certains matins et c'étaient les jours que j'affectionnaient le plus dans ce train-train lassant que m'offrait le lycée.

𝐏𝐫𝐞𝐦𝐢𝐞𝐫 𝐜𝐡𝐨𝐢𝐱 💜Où les histoires vivent. Découvrez maintenant