Chapitre 44 : La fin du cycle (époque : 2022) (3/4)

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Une délégation entre dans le couloir, menée par le surveillant qui gardait ce passage. Le groupe est composé du conseiller James Whedon, toujours aussi grand, surtout aux côtés d'un vieil homme qui portent les années plus qu'elles ne le portent. Les deux personnages sont entourés de deux gardes du corps.

Le Professeur Hart Bietez a les yeux froids, clairs, brutaux. Ses dents cassées sont en partie jaunie, sa barbe courte est blanche et des mèches de cheveux lui tombent derrière les oreilles. Sans parler, il dégage un charisme d'extrême gravité prêtant au respect. Il croise le regard du conseiller au costume sombre toujours impeccable, qui comprend immédiatement son rôle.

- Messieurs, dit-il aux professionnels de la détention, nous aurions besoin de savoir comment se sont déroulés les derniers échanges à vos yeux, notamment lorsque les caméras étaient éteintes, ajoute-il en fixant l'agent de la CIA.

Les agents pénitentiaires sont mal à l'aise. Ils tentent de ne pas se regarder, mais la gêne est patente. Ils expriment dans un symphonie mal orchestrée :

- Très bien, très bien...

- Oui très bien, rien de particulier.

- On n'a rien vu de particulier en tout cas.

J. Whedon se tourne vers le lieutenant en particulier :

- Vous non plus, j'imagine, lieutenant ?

- Affirmatif, rien de bien notable, feinte-t-il avec plus de succès que les surveillants.

Ces éléments de langage entrainent un rire mal retenu par l'agent de la CIA.

- Agent Lewis, dicte avec soin le Pr Bietez. Cette situation semble vous amuser. Les entretiens sont-ils différents au moins de ce que vos collègues de la CIA avaient fourni ?

- Ça, je vous le confirme, Professeur.

- Sur quel plan, je vous prie ? relance J. Whedon. A ma connaissance, nous n'aviez pas pu suivre le Docteur dans ses entretiens eux-mêmes.

- Tous les plans, affirme l'agent en tentant de masquer certaines de ses réactions trop directes.

- C'est-à-dire ? approfondit le conseiller.

- Rien ne ressemble ici à tout ce que j'ai pu voir auparavant...

- Racontez-nous, je vous sens passionné, explicite le Pr Hart Bietez d'un sourire qui a perdu toute bienveillance il y a plusieurs décennies. J'aime la fougue de la jeunesse.

Le jeune agent esquisse un regard vers les surveillants, le lieutenant, tous plus grands que lui. En replaçant convenablement le haut de sa veste sur sa chemise, il s'éclaircit la voix en guise d'assurance. La présence du Professeur est imposante et tient en respect tous les humains qui l'entourent.

- Pour dire vrai, je n'entrevois aucune façon de raconter adéquatement ce qui se passe ici, conseiller Whedon.

- Mais si, mon grand, allez-y, encourage avec condescendance le Chef de la Famille d'Eli.

« Est-il possible mon cher Aurore ? Le sais-tu à quel point j'aimerais ? Voir l'avenir dans ma mort.. Si seulement ton maître me le permettait... » prononce à haute voix W. Andrews depuis sa cellule, dans une forme de chant mélodieux et distingué.

- Est-ce lui ? demande avec une fébrilité soudaine le Professeur.

- Le détenu ? s'étonne le surveillant, évidemment.

"Le... Docteur ?" se commente le vieil homme qui a perdu de sa superbe en un instant.

- Non, le Docteur est parti il y a une heure environ, corrige le lieutenant.

- Vous ne comprenez pas, indique J. Whedon.

- C'est lui, le Dr Andrews, confirme T. Lewis qui comprend l'enjeu en voyant le visage fasciné du Pr Bietez.

"Le Docteur... William Andrews", répète-t-il en s'approchant de la cellule. "Le fameux Bill".

- Une salle froide, propre, inhumaine, pourtant entourée de personnes derrière les vitres... prononce fermement W. Andrews depuis sa cellule. Voici ce qui m'attend dans les prochaines heures, n'est-ce pas ?

Hart Bietez se place devant la porte afin de répondre, mais aucun son ne sort de sa bouche. Il contemple l'homme, puis d'une voix hésitante qui en fait pâlir le conseiller J. Whedon, il s'adresse enfin au détenu :

- Une chose aussi futile que la mort ne peut pas vous toucher Docteur, pas un homme comme vous.

Le détenu ne prend pas la peine de regarder l'homme âgé. Sa réflexion efficace le guide immédiatement sur la place possible occupée par l'homme qui s'adresse à lui.

- Dans vos délires, lui répond-il sans se tourner vers lui, vous en oubliez la chair.

- Je ne voulais pas vous offenser, Docteur... Andrews. Je pense être de ceux qui vous respectent le plus celle-ci.

- Le respect, monsieur, se relativise depuis une cellule.

- Restez calme, tente-t-il de le rassurer. Tout ira pour le mieux, je vous en fais la promesse.

- Je me fiche des promesses des hommes. Je lis en vos yeux, vieil homme, que vous êtes habité par un enfant qui n'a pas grandi.

H. Bietez ne parvient pas à répondre, il est en état de fascination devant W. Andrews. A ses côtés, le groupe est stupéfait de voir le Professeur se laisser ainsi dominer.

- Vous pouvez tromper votre entourage, vos gardes, mais j'ai traversé trop de déserts pour en reconnaître l'aridité quand je la sens déferler sur une âme.

- Vous ne dîtes rien, Pr Bietez ? réagit avec agacement le surveillant qui les a laissé entrer.

- Vous êtes qui, vous, pour me dire quoi faire ? agresse-t-il avec autorité en pointant ses lunettes vers le surveillant qui s'affaisse. Avez-vous la moindre idée à qui je m'adresse ? Si vous saviez ce qu'il a fait, ce qu'il a vu, jamais vous n'oseriez le salir avec votre pitoyable existence !

Le grand homme en noir n'ose pas esquisser une réaction, pas plus que l'agent de la CIA ou le lieutenant.

- Voici notre différence... Professeur, raisonne W. Andrews. Si chaque homme mérite la pitié, aucune vie n'est cependant pitoyable.

Dr J. Stevens FACE aux GARDIENS [ShortList Watty22... ss Edition] (Partie 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant