Chapitre 14

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Thomas

Il était trois heures du matin, je me réveillai en sursaut, le cœur battant la chamade. Je m'assis et me mis à regarder de tous les côtés. Je n'étais pas dans ma capsule de sommeil. J'étais chez moi, dans mon lit.

— Chéri, il est encore tôt, rendors toi.

Lena se lova contre moi, sa peau était chaude et douce. Je lui embrassais le front, expirais un grand coup et m'allongeais pour me rendormir. Il m'arrivait souvent de me lever en plein milieu de la nuit. Le rythme effréné du travail à la centrale déréglait complètement mon horloge interne. Vers quatre heures, Lena se leva pour se préparer. J'ouvris les yeux, réveillé par son absence. 

— Mon cœur, pourquoi tu te réveilles ? C'est ton jour de repos.

— Je ne raterais pour rien au monde un bisou avant ton départ.

— Tu fais encore l'enfant à ton âge, tu vas me mettre en retard.

Je me levai et l'emmitouflai dans une grosse écharpe de laine grise.

— Il gèle le matin. Fais attention à toi s'il te plait. 

 Elle me fit son plus beau sourire avant de sortir dans le froid de janvier. Même dans son Gris d'ouvrière, elle était d'une telle beauté... Le souvenir de ses boucles formant une couronne autour de son visage était toujours présent dans ma tête. Je le chérissais précieusement car je ne pourrais peut-être plus jamais la voir ainsi... Son courage, malgré notre situation, m'aidait à patienter durant les longues heures à la centrale. 

Depuis trois ans, Lena travaillait dans une boulangerie. Elle se levait tôt, mais elle rentrait tôt. Elle continuait ses nombreux enregistrements pour les enfants et leur apprenait maintenant la langue des signes française et à lire sur les lèvres. En grandissant, il se pourrait que les filles développent une gêne auditive due à leur condition. Ce n'était certainement pas la France Grise qui s'adapterait pour elles ! 

Maintenant que Tamsir avait commencé ses études formelles, Lena se concentrait uniquement sur l'éducation des filles. J'admirais sa motivation sans faille pour notre famille. Ne pas participer à leurs apprentissages autant qu'elle me culpabilisait. Je ne savais pas quoi faire. Tamsir était devenu responsable et autonome. Les matins où nous n'étions pas là tous les deux, il préparait son petit-déjeuner et celui de ses sœurs. Il leur donnait des activités à faire, peinture, problèmes à résoudre... en attendant son retour à 14 h. Il faisait tout pour les amuser. Les trois étaient devenus très complices. J'étais heureux...

Une fois Lena partie, j'allai à la cuisine faire un café et préparer à manger pour les enfants. C'était l'un de mes plaisirs des jours de repos. Plutôt que de passer ma journée à dormir, je préférerais faire la cuisine, jouer avec les enfants, écouter les brillants podcast de Lena. Tout ça m'aidait à me sentir vivant... 

J'avais bien fait de ne pas accepter la proposition de Garance, j'aurais perdu la légèreté des moments simples... Je fus brusquement sorti de mes pensées, sentant ma main trembler sur le plan de travail... Je jetai un coup d'œil à la fenêtre et ouvris des yeux ronds. Je vis s'effondrer une des tours de la cité dans un grand fracas de bruit et de poussière. Un deuxième tremblement ébranla l'appartement, on se serait cru dans une scène de film catastrophe. Il me fallut deux minutes pour reprendre mes esprits. Les enfants !

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