12. Mon réveil

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Une faible lueur passait entre les pans du rideau se trouvant sur ma gauche. Je la devinais plus que je ne la voyais, car mes paupières étaient si lourdes, qu'elles refusaient de s'ouvrir. J'avais la curieuse sensation d'avoir dormi durant des jours et toutes les peines du monde à émerger de mon sommeil.

Alors même que mes yeux demeuraient obstinément clos, je percevais une multitude de sons d'une netteté quasi anormale ainsi que des odeurs si fortes qu'elles m'apparurent désagréables. Je ressentais une présence non loin de moi et me dis que Clémence devait être rentrée tard étant donné que je n'avais aucun souvenir de l'avoir entendue se coucher. D'ailleurs, comment étais-je rentrée moi-même ? Il s'avérait qu'en cet instant il m'était impossible de répondre à cette question comme de me souvenir de ce qui s'était passé ! Étrangement, j'avais la sensation que Clémence et moi n'étions pas seules. Pour en avoir le cœur net, je tentai de trouver la force d'ouvrir les paupières, mais en vain.

En toute logique, quelqu'un avait dû me repérer et m'aider à regagner l'hôtel. J'étais en tous les cas satisfaite de découvrir que je me sentais mieux, si je faisais abstraction de l'état brumeux dans lequel je persistais à être. Plus de nausées, plus de vertiges... même si j'éprouvais encore une sensation inhabituelle.

Il me fallut encore quelques minutes avant de réussir enfin à entrouvrir les yeux. Je pris appui sur mes coudes pour me redresser légèrement, espérant apercevoir mon amie dans le lit d'à côté malgré la pénombre. C'est à ce moment précis que je sentis les battements de mon cœur s'accélérer et mon souffle devenir court. Cette fraction de seconde où je constatai avec effrois que la chambre dans laquelle je me trouvais ne ressemblait en rien à celle où Clémence et moi avions déposé nos bagages la veille! Je me rendais compte avec stupéfaction que j'avais dormi dans un lit immense et que ce dernier s'avérait être au milieu d'une pièce tout aussi imposante! Mon regard affolé parcourait le lieu dans tous les sens, se posant un instant sur les frises qui décoraient le haut des murs et le plafond qui était si haut que je prenais conscience que l'endroit n'avait rien de récent. Une peur incontrôlable montait en moi, mais paradoxalement, j'étais si paniquée que je me retrouvai incapable de faire le moindre mouvement.

J'apercevais distinctement des piaillements d'oiseaux provenant de l'extérieur, des bruits de conversation non loin de là ainsi qu'une multitude d'autres sensations toutes plus étranges les unes que les autres dont il m'était pour l'instant impossible d'en comprendre l'origine. Je réalisais aussi lentement que je n'entendais plus aucun des sons caractéristiques d'une ville et me mis à me demander si j'étais toujours à Londres ! Je me redressai un peu plus et m'asseyais dans le lit en prenant appui contre les coussins. Je tentai une nouvelle fois de rassembler mes esprits et de distinguer un peu mieux le lieu dans lequel j'étais. C'est à ce moment-là que je le vis et j'en eus le souffle coupé. Et si j'avais pensé être ébranlée de découvrir que je n'étais pas dans ma chambre d'hôtel, ce ne fut rien en comparaison de la découverte de sa présence. L'inconnu de Paris, celui auquel j'avais pensé si souvent ces derniers temps, était là lui aussi. Assis dans un fauteuil au fond de la pièce, il me regardait, sans doute dans l'attente de mon réveil. Je ne pouvais détacher mon regard du sien tant la surprise était intense. Et ce fut à cet instant précis que les souvenirs me revinrent : la ruelle, mon malaise, le trou noir, mais aussi le fait qu'il s'était penché sur moi et m'avait soulevée de terre.

Sortant de ma torpeur, je rejetai les couvertures sur le côté et me levai d'un bond, tentant par là de récupérer un semblant de contenance. Mais lorsque j'aperçus mes jambes nues jusqu'à mi-cuisse et me rendis compte que je n'étais vêtue que d'un t-shirt, je restai paralysée et sentis le rouge me monter aux joues. Je jetai un rapide coup d'œil aux alentours dans l'espoir de trouver quelque chose, n'importe quoi, pour me couvrir et j'attrapai la robe de chambre négligemment posée au fond du lit. Je me recouvris à la hâte et c'est seulement après quelques instants que je le considérai à nouveau. Il s'était levé et semblait tout aussi mal à l'aise, ne sachant apparemment pas plus comment se comporter. En prendre conscience m'aida à me rassurer et me calmer un peu. Il tenta alors un pas dans ma direction en tendant la main pour me prouver ses bonnes intentions. Cela ne m'empêcha pas d'avoir un mouvement de recul.

- Emma, n'aie pas peur, je t'en prie, je ne te veux aucun mal. Je vais t'expliquer ce qui se passe.

Voyant que je ne bougeai plus, il s'avança encore. Je me retrouvai malgré moi fascinée par cet homme. Quelque chose de si étrange se dégageait de lui, quelque chose que je ne pouvais pas définir, mais que je ne pouvais pas ignorer. Son visage était assombri par une barbe naissante et ses vêtements froissés comme si cela faisait des heures ou peut-être même plus qu'il se trouvait dans ce fauteuil et cette idée me troubla tout autant que sa beauté.

Comment pouvait-il si bien me connaître et comment était-il possible que je sois ici avec lui alors que la dernière fois que nous nous étions vus, nous étions dans un autre pays ! M'avait-il suivi ? Des tonnes de questions se bousculaient dans ma tête, mais aucune réponse censée ne parvenait jusqu'à mon cerveau. Il me disait de ne pas avoir peur et malgré le fait que je me sentais complètement désorientée et perdue je constatais que les battements de mon cœur et ma respiration se calmaient. J'éprouvai même un étrange sentiment de sécurité bien que je devinais que quelque chose d'important m'était arrivé.

- je vais m'efforcer de t'expliquer, me dit-il alors qu'il se trouvait tout proche à présent. Assieds-toi s'il te plaît.

Il tapota le bord du lit pour me faire réagir et m'inciter à lui obéir, ce que je fis en restant silencieuse. Il attrapa une chaise et prit place devant moi. J'avais une certaine appréhension face à ce qu'il s'apprêtait à me révéler, mais il était évident que j'avais besoin de savoir ! J'essayai de me concentrer sur lui, alors que je me retrouvais de plus en plus incommodée par le bourdonnement de mes oreilles et les effluves qui me rentraient dans le nez et me donnaient à nouveau mal à la tête.

- Je ne me suis encore jamais présenté. Mon nom est Noah.

Un sourire contrit se dessina sur son visage. Il attendit avant de poursuivre comme pour me laisser le temps de prendre conscience de ce qu'il me disait, scrutant la moindre de mes réactions. Mais je continuai de le regarder sans réagir. C'est vrai qu'il ne m'avait jamais donné son nom et cela me faisait un drôle d'effet de le connaître. Noah... Comme si cela rendait son existence bien réelle...

- Tu es dans la maison que je partage avec mes amis. Tu....

Il hésitait, ne sachant apparemment pas comment aborder un sujet délicat.

- Tu fais toi aussi partie des nôtres à présent.


Tout a changé ce jour là!Où les histoires vivent. Découvrez maintenant