Chapitre 10.

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Tuer. Détruire. Dévorer. Massacrer.

La haine, les hurlements des âmes. Le parfum de la peur, le goût du néant.

Faim ! Faim ! Faim !

Des transformations plus douloureuses les unes que les autres. Mon dos qui s'embrasait, mes ailes déchiquetées qui apparaissaient ou disparaissaient, mes griffes poussant, s'attaquant à la terre, à ma chair... Un véritable enfer. Une silhouette, des bras qui recueillaient mon corps délaissé dans la forêt. Des mains à la fois rêches et douces. Des baisers, des caresses...

Mon amour...

Je me réveillai en sursaut, mon cœur battant la chamade dans ma poitrine. Une lumière ocre, vive, m'aveugla aussitôt, me forçant à garder les yeux clos pour retrouver l'espace de quelques instants des ténèbres plus rassurantes. Sous mon corps, je sentais la fraîcheur d'un drap, froissés par mon geste brusque.

Où étais-je ?

Je tentai de me redresser, ma tête prise d'un vertige qui faisait éclater derrière l'obscurité de mon aveuglement des tâches de lumières rougeâtres. Au moindre mouvement, mes muscles tiraillaient douloureusement, mettant mon corps au supplice. Pourtant, je me relevai tout de même. Le contact du sol sous mes pieds parvint à m'ancrer un peu plus dans la réalité. Je pus enfin lever pour de bon les paupières afin de regarder autour de moi, chancelant comme un funambule ivre sur une corde raide.

J'étais... Dans notre chambre ! Dans notre petite maison, en plein cœur du troisième cercle. Par la fenêtre, me parvenaient les bruits de la forêt des damnés. C'était chez moi... Mais il me manquait quelque chose. J'avais besoin...

Lui.

De lui !

Hébétée, je tournai sur moi-même. Mal m'en prit. Mon regard croisa celui de mon reflet dans le miroir sur le mur. Je fis aussitôt volte-face, fuyant cette image, ce flash virulent qui ressurgissait brutalement. Non. Portant une main à ma tempe, je tentais de faire taire le sifflement. Je me voyais prise d'un accès de folie, attaquer Dante, tenter de le frapper. Je ressentais les flots de rage m'envahir. Puis je me rappelai Carmine, sa poigne, sa présence dans ma tête... Un rictus amer étira mes lèvres.

Bon sang...

Au fur et à mesure que je reconstituais les événements de la veille, récupérant un semblant de lucidité, une bile amère remontait le long de ma gorge, m'étouffant. Il fallait que je sorte de cette chambre. Absolument.

L'esprit embrouillé, je me laissai guider par un élan pressant jusqu'au couloir. Mon équilibre était précaire et mes pieds traînaient au sol. Je sentais mes longs cheveux blonds effleurer mon dos à travers mes vêtements. Ma vision était encore à moitié obstruée par des taches floues. Mais je continuai d'avancer, un pied puis l'autre.

Appuyée contre le mur, je titubai jusqu'à l'entrée du petit salon. J'avais l'impression que si je lâchai la surface froide, tout autour de moi s'effondrerait dans un chaos indiscernable. C'était mon unique pilier, mon unique point de repère. Soudain, des voix me parvinrent par la porte entrebâillée.

« Tu savais que quelque chose n'allait pas ? s'enquérait Carmine.

Quelque chose n'allait pas... Oui ! Quelque chose clochait, c'était certain. Il y avait... Cette voix dans ma tête. Je ne savais plus trop à qui elle appartenait...

Je m'arrêtai sur le palier. Ils n'avaient pas perçu ma présence.

La voix de Dante s'éleva alors, grave, chaude, résonnant au plus profond de moi, enveloppant ma poitrine d'une douce brûlure qui éveilla jusqu'à la plus petite parcelle de mon être.

Mission "Ulysse" (Regana - tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant