J'ai juré que je me vengerais. Seulement, dans mon actuelle situation, je ne peux rien faire de plus que d'essayer de vivre. J'ai bien emporté un peu d'argent, du pain et un couteau. Mais je doute que cela suffise pour bien vivre. J'ai marché, encore et encore, jusqu'à ne plus prêter attention aux chemins que j'empruntais. Tandis que je n'attendais plus de trouver d'abris pour la nuit, j'ai finie entourée d'arbres. Il fait nuit noir. Je tiens à peine sur mes deux jambes, et je suis complètement seule. Seuls les animaux, feuillages et ruisseaux me tiennent compagnie. Je doute cependant de pouvoir sympathiser avec eux. Je n'ai pas d'autres choix que de passer la nuit ici. Cette idée ne va pas jusqu'à me bouleverser. Après tout ce que j'ai pu vivre jusqu'à aujourd'hui, ce n'est pas la nature qui pourrait me faire du mal. Dormir à la pleine lune vêtue d'une simple chemise de nuit ? Ce n'est que le début de ma liberté. J'ai froid, oui. J'en tremble même. Mais je n'ai jamais rien ressenti d'aussi exaltant. Penser au fait que je ne dormirais pas de la nuit, sans doute par l'errance de serpents et sangliers, ne me rendait que plus enthousiaste. Mais même si je pense comme ça, la fatigue me rattrape et m'achève. Je n'ai pas pu lutter.
Une odeur de printemps emplie l'air qui m'entoure. Les rayons du soleil traversent tendrement la paupière de mon œil droit. Mon œil gauche n'en fait peut-être pas l'expérience, mais il parvient tout de même à ressentir la douce chaleur de ces rayons. Ce matin n'est certainement pas égal à ceux qui le précèdent. Jamais je n'aurai cru pouvoir un jour me réveiller dans la tranquillité. On dit que le soleil est différent chaque jour. Me concernant, c'est bien la première fois que le soleil paraît différent. En ce jour, je me sens libérée de mon passé. Je sais bien que celui-ci me suivra partout, où que j'aille. Mais je ne compte pas me morfondre dans la culpabilité. Comme je l'ai dit, l'ancienne moi n'existe plus.
Une odeur fumée me parvint soudainement. Cette odeur me rappelle la viande parfaitement cuite que me faisait mon père adoptif. Car contrairement à mes frères, ce n'était pas le cuisinier qui me préparait de bons repas. Par ailleurs, le goût de cette viande m'échappe. Je n'en ai plus mangé depuis le décès de mon père.
Fermant les yeux, je me dirige vers l'odeur par ma simple intuition. J'y parviens enfin. L'odeur provient d'une petite auberge. Cachée derrière un arbre, je me contente de l'observer de loin.
Une légère odeur naturelle se mélange soudainement à celle de la viande. Un étang se trouve juste à mes côtés. Un son semblant provenir d'une grenouille parvient dès lors à mes oreilles. A dire vrai, je n'en ai jamais vu auparavant. Ce serait le moment idéal d'en apercevoir une. C'est alors qu'en approchant de l'étang en question, mon visage s'y refléta soudainement. Sans mentir, la première chose qui m'a effleuré l'esprit fût que j'étais dotée d'un beau visage. Même si mon œil gauche m'avait été pris, je n'en restais pas moins belle. Une seule chose me dérangeait. Il n'y a rien qui me répugnait plus que ces longs cheveux.
Prenant le couteau, que j'avais emporté, de mes mains, je me précipite alors pour couper toute cette longueur. Etrangement, on m'avait fait naître avec la même couleur de cheveux que ma mère adoptive et mes frères. Je ne pourrais supporter ces mèches tomber le long de mon visage plus longtemps. Je ne pourrais pas changer leur couleur, mais les couper est une façon pour moi de ne plus penser à ceux qui ont détruit ma vie.
Finalement, je n'ai pas pu voir de grenouilles, ni même de crapauds.
Prenant mon courage à deux mains, je décide d'enfin parvenir jusqu'à l'auberge. Je pourrais même y loger pendant quelques jours. Une boutique de vêtements y est même accolée. Je décide alors de m'y rendre en premier lieu. Car avant toute chose, je me dois de faire bonne impression dans ce petit village. En y entrant, une jeune femme, semblant être du même âge que moi, m'accueille chaleureusement.
-Bienvenue dans ma boutique, je peux vous aider ? Vous ne me semblez pas familier, vous n'êtes pas d'ici ?
-Comment avez-vous deviné ?
-C'est simple. Tout le monde se connaît ici. Et puis, ce ne sont pas les garçons en chemise de nuit pour femmes qui courent les rues, vous savez.- M'adressa la jeune femme d'un rire doux.
-Oh, ça, c'est...
-Vous n'avez pas à vous expliquer ! Je pense avoir quelque chose qui pourrait vous convenir.
Me laissant plantée devant l'entrée, elle se dirige dans les rayons à la recherche de vêtements. J'ai de la chance d'être tombée sur une personne aussi charmante qu'elle.
Elle m'a prise pour un garçon. Cela ne me dérange pas vraiment. Je dirais même que cela m'arrange, car cela pourrait s'avérer très utile pour la suite. Dans notre société, les femmes ne sont pas traitées à leur juste valeur, et gagnent moins de liberté. Cela pourrait donc m'être bénéfique pour de nombreuses choses. Dans la situation actuelle, je remercie mes formes de ne pas s'être autant développées que les jeunes femmes de mon âge.
-Tu n'as pas trop att... Mince, je suis vraiment désolée !
-Pourquoi vous excusez-vous ?
-Je vous ai tutoyé à l'instant même, j'en suis vraiment navrée...!
-C'était donc pour ça, haha. Vous pouvez me tutoyer sans problème, mais à une seule condition. Permettez-moi d'en faire de même.
-Vraiment ? Ce sera plus simple, dans ce cas ! Comme on a l'air d'avoir le même âge, je t'ai tutoyé par pure réflexe.
-Donc tu as quel âge ? Je suis, pour ma part, âgée de 18 ans.
-Vraiment ? J'en ai 21. On dirait bien que ta taille m'a induite en erreur !
-Je suis aussi grand que cela ?
-Tu ne dois pas être le seul, je pense. Mais dans ce village, tu dois certainement dépasser la majeure partie des habitants !
-Si tu le dis, c'est que cela doit être vrai.
-J'avais oublié ! Tu étais venu pour acheter de quoi te vêtir, mais je ne fais que parler. Tiens, tu peux aller dans la cabine pour essayer tout ça.
-Merci, j'y vais de ce pas.
Je ne mis pas longtemps à enfiler les habits qu'elle m'avait trouvé. Je devrais les garder sur moi.
-J'ai fini.
-Voilà qui est mieux ! Mince, ce n'est...pas ce que je voulais dire, euh..
-Ne t'inquiètes pas, je confirme tes propos, haha.
Je ne peux m'empêcher de penser que sa façon d'interagir, qui est maladroite, me touche beaucoup. Elle est simple et fidèle à elle-même. Quelque part, je l'envie. Mais d'un autre côté, elle me semble si similaire. Je peux ressentir dans son attitude la même nostalgie qui s'est emparée de moi. J'éprouve de la peine pour elle en pensant à ce qu'elle a pu endurer. Mais je ne devrais pas. C'est la preuve même de ma faiblesse qui persiste à rester en moi...Car cette fille pourrait tout aussi bien se servir de mes sentiments.
-Tu ne te sens pas bien ?
-Si, c'est bon. Combien je te dois ?
-Je t'offre le tout. Et pas la peine d'insister, je n'accepterai rien ! Allez, ouste !-dit-elle en me poussant dehors.
-J'ai oublié de lui demander son nom...quelle idiote ! Et je l'ai poussé...
VOUS LISEZ
L'Impératrice déchue
RomanceAprès des années de recherche pour un héritier mâle, l'Empereur découvre que l'héritier tant attendu est en réalité une femme, Mildred. Désormais Impératrice, elle est déterminée à se venger de ceux qui ont orchestré sa vie de mensonges et d'oppress...