Nouvelles, scènes et autres poèmes

Une beauté peu commune - Scène

Lorsqu'elle arrive enfin, je suis en proie à un léger trouble. C'est à peine si j'ai le temps de l'embrasser du regard dans sa totalité que déjà celui-ci est comme happé par ses yeux. Ils sont bruns clairs, subtile mélange de noisette et d'ocre, et pétillent; eux seuls suffisent à exprimer plus d'émotions et de sentiments que l'on ne saurait le faire avec des mots. Ses pupilles quelque peu plus dilatées que nécessaire apportent un contraste qui achève l'oeuvre.

Elle me salut d'une voix qui me semble distante et me sort de ma contemplation. Je lui réponds sur un ton égal, courtois, déjà impatient d'explorer du regard le reste de sa personne.

Un tatouage noir mat prolonge les courbes du coin externe de chaque oeil sur un demi-pouce, surmonté de trois petits points suivant la même ligne directrice. Ses cheveux, fortement ondulés et tout aussi sombre, sont maintenus en chignon à l'arrière de son crâne par un épais ruban bleu cobalt. Ses petites oreilles suivent l'orientation des cheveux et s'insèrent parfaitement dans le mouvement de houle; deux fins anneaux d'or brillant de tailles différentes pendent sous chacun des lobes, le plus petit étant accroché en retrait de l'autre. Ses sourcils sont assez marqués à la base puis s'affinent en s'allongeant vers les tempes, faisant écho à l'abondante chevelure, et contribuant à l'harmonie de l'ensemble. Une nouvelle fois sa voix me ramène à l'instant présent:

- Tu souhaites donc rejoindre nos rangs au sein de la Résistance... avant de te questionner sur les fondements de ce choix, j'aimerai d'abord m'assurer qu'aucune mauvaise intention à notre égard ne t'habite. Tu n'y vois aucune objection ?

Le ton est doux mais pas moins autoritaire. Je réponds par un signe de tête et retourne à ma contemplation.

Son nez fin, droit mais légèrement relevé à son extrémité, amène une impression d'arrogance et de fierté concordant avec sa place chez les insurgés. Ses joues roses sont rebondies et forment une courbe douce ralliant les pommettes au menton, donnant un côté enfantin au visage. Enfin sa bouche, étroite, et ses lèvres rouge pâles feraient blêmir de jalousie les reines et princesses du pays, en dépit des petites écorchures dues aux mordillements incessants. Ne pouvant me retenir et en dépit de la situation, je lui fais part de mon impression:

- Vous êtes d'une beauté peu commune, nul doute que votre influence ici est grande. Je ne suis pas pour vous une menace, et même si j'étais envoyé par l'Empire pour vous prendre la vie, je ne le pourrai maintenant que je vous ai vu.

Je regrette de suite mes mots et m'apprête à formuler des excuses, mais elle répond sans m'en laisser le temps:

- Bien que peu approprié ton compliment est appréciable, néanmoins à l'avenir j'aimerai que tu maîtrises tes paroles en ma présence.

L'absence d'animosité dans sa voix me surprend; elle sourit en percevant ma confusion. Ses yeux brillent d'un plus fort éclat et leurs coins se plissent, ses joues se tendent et relèvent les coins de sa bouche, révélant des dents aussi bien ordonnées que la nature sache le faire. Ses oreilles descendent un peu, son front est tiré en arrière et sa mâchoire se dessine.

Elle est radieuse.