Les semaines passèrent rapidement, weekends et jours de cours furent dévorés par le Temps inéluctable qui avançait sans jamais se retourner. Secoué par le courant, Elias se débattait pour remonter la rivière. Il luttait de toutes ses forces pour retourner en arrière et se remettre sur son embarcation, toute fragile qu'elle fut. Seulement, le Temps passé ne revient plus. L'eau suivait son court irréfléchi, mue par l'obligation d'aller de l'avant. Malgré ses protestations, Elias coulait avec elle, il sombrait dans les abysses d'un océan sans fin, sans terre, un océan de vide et de rien qui le dévorerait jusqu'à ce qu'il ne restât plus de trace de lui.
Il n'y avait plus de lumière, il se noyait dans le noir opaque. Les ténèbres l'engloutissaient. Taches étincelantes, deux yeux perçaient l'obscurité, prunelles immobiles qui ne clignaient ni ne se détournaient.
Il était seul.
Il hurlait, hurlait et hurlait encore, il n'entendait pas le son de sa voix, rien ne bougeait, rien ne changeait. Ses cordes vocales vibraient, elles ne couvraient pas le silence, roi de ce monde perdu. Et un rire sourd dépassait le tumulte muet, ricanement moqueur incessant, mauvais par essence.
Il était seul avec une odeur de menthe.
Sa poitrine se soulevait, s'abaissait. L'eau envahissait les orifices de son corps, il sombrait toujours davantage dans la prison sans mur, lieu de rien. Trou noir. Enfermé dans le creux ouvert dans sa poitrine, on l'avalait dans le vide créé de toutes pièces qu'il ne parvenait plus à démanteler.
« Elias, réveille-toi. »
Une voix claire l'arracha au cauchemar qui ne voulait pas finir. Sauveuse. À son chevet, sa mère. Il contempla ses mains. Il voyait, il entendait, il respirait. Il tremblait de tous ses membres, la sueur dégoulinait le long de son front. Le vide l'effrayait. La peur empoignait son estomac. S'il avait pu, il aurait recraché ses organes pour ne pas être ingurgité.
« Elias, je suis là, dit Katherine en le saisissant par les épaules. Tu es en sécurité, mon cœur. Maman est là. »
Elle passa la main dans les cheveux collés par la sueur.
« Tes cauchemars reviennent ?
— Ce n'est rien. »
Il força ses lèvres à s'étirer et se dirigea vers la porte, les jambes balbutiantes. Avant de sortir, il saisit un tee-shirt oublié sur une chaise. Sa mère l'interrogea du regard.
« Je vais courir », dit-il.
Il noua ses lacets et claqua la porte d'entrée. La douce brise de cette affreuse nuit de fin d'été le caressa. Il s'élança sur la route pour s'abandonner à la course. Son cerveau se déconnecta. Derrière lui, Eden peinait à suivre le rythme. Son cardio proche de celui d'une baleine en plein marathon l'implorait de déployer ses immenses ailes blanches aux délicats reflets de rose et de bleu. Il se fit violence pour s'en empêcher. Hors de question qu'il volât, c'était bien trop fatiguant. Nul ne pouvait imaginer le poids des quatre d'ailes de sa caste. Les non-Archanges étaient bien chanceux de ne posséder qu'une seule paire. Il se résigna donc à user de ses jambes, la respiration sifflante.
Imperturbable, Elias marqua une pause pour boire après une demi-heure, les écouteurs vissés dans les oreilles. Puis il repartit. Il martela le trottoir de ses pieds une bonne heure avant de pousser un portillon de métal et de pénétrer dans un parc. Il s'approcha d'une structure pour exécuter quelques tractions, mais en dépit des trois heures passées, il découvrit que son espace favori était occupé.
Lorsqu'il vit un jeune homme aux cheveux si noirs qu'ils se fondaient dans la nuit, à la peau si claire qu'elle paraissait translucide et aux splendides yeux bleus, il crut le voir. L'inconnu lui lança un regard accompagné d'un grand sourire.
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Eden - Le Temps ne s'arrêtera pas
Paranormal𝐸𝑑𝑒𝑛 𝑡𝑜𝑚𝑏𝑎. 𝐸𝑡 𝑑𝑎𝑛𝑠 𝑠𝑎 𝑐ℎ𝑢𝑡𝑒, 𝑠𝑎 𝑔𝑙𝑜𝑖𝑟𝑒 𝑖𝑙 𝑒𝑚𝑝𝑜𝑟𝑡𝑎. Eden est un Archange déchu, descendant des plus prestigieux représentants du Ciel. Eden est noble, fier, beau. 𝑃𝑎𝑟𝑓𝑎𝑖𝑡. Eden, pourtant, se perd et s'enf...