𝟏 - 𝑙𝑒 𝑐ℎ𝑎𝑛𝑡

780 89 106
                                    

Combien de temps encore ?

Combien de temps la folie vit-elle chez un être humain ?

Son estomac l'aura-t-elle entièrement digérée en attendant la fin des cris ?

L'Univers finira-t-il en bouteille avant qu'il ne s'arrête ?

Elle n'avait pas oser examiner l'intrus. Par peur d'y voir un monstre effroyable. Ou bien par peur d'y apercevoir quelqu'un qu'elle connaissait. Mais il criait ! Comme un chahut dans un exutoire, la libido passait au dessus des bretelles. Ses glapissements se languissaient d'amour, ou plutôt d'un désir plus répugnant qui rendait ses louages nauséabondes.

L'alcool avait bon dos. Il faut plus qu'un fond de whisky pour agir ainsi, il faut un fond de quelque chose de plus fort qu'un simple alcool, elle vous le disait. Pour une fois dans sa vie, elle aurait accepté que les monstres de la nuit se réveillent dans l'obscurité, afin qu'ils dévorent ce vieux débris. Il fallait simplement qu'il arrête d'aboyer... 





Richiko !


Richiko !


Richiko !




Je t'aime !


Je t'aime tellement !


Je t'en prie, descend pour me voir !




On ne vit personne répondre à cet appel. Le quartier demeura silencieux, tout comme la maison que l'intrus était venu visiter. Sûrement avait-il pensé que tous ses habitants sommeillaient à points fermés, pour qu'aucun bruit ne se fasse entendre. Mais l'homme ne se doutait pas que l'âme qu'il suppliait de le retrouver se trouvait emprisonnée entre sa sueur et sa couette, les yeux ouverts au milieu de l'obscurité de sa chambre.

Son coeur roulait dans sa cage thoracique. Tout comme ses yeux qui convulsaient dans leurs orbites. Que voulait-il ? Le pauvre fou semblait affamé, après avoir bu sa rasade de villageoise. Affamé de viande prépubère, encore ferme et tremblante. Affamé de l'enveloppe de Richiko qu'il ne devrait même pas envisager, habillé d'un simple drapé.

Je t'aime tellement que je tuerai moi-même !

Les ongles de Richiko tremblèrent en s'enfonçant dans sa chair. Elle n'avait foutrement aucune idée de qui pouvait être la bête. Ce qu'il demandait — de descendre le retrouver — semblait plus dangereux que tous les travaux d'Hercule.

Richiko tentait d'ignorer ces chants, dignes de sirènes cannibales, mais le grincement de ses dents résonnaient dans sa tête en s'amplifiant. L'homme venait souffler sa folie juste dans son cerveau ; et elle était contagieuse. Il fallait que ça s'arrête. Elle l'imaginait baver sa bave toxique sur les jonquilles et les lavandes du jardin. La jeune fille progressa laborieusement jusqu'à son réveil qui affichait :

03:49

Quel genre de fou vient crier devant la fenêtre d'une gamine de quatorze ans, au beau milieu de la nuit ? Elle n'était jamais tombée amoureuse et jamais personne n'était tombé amoureux d'elle. Le paysage de ses connaissances masculines n'était pas non plus très étoffé. Alors ce monstre devait provenir de l'endroit où naissent tous les monstres : la caverne ou la taverne.

science infuse | tokyo revengersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant