Chapitre 7

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L'air étouffant du bar collait à la peau de Sakura tandis que ses doigts jouaient avec sa bouteille de bière. Le goût amer habitait encore sa bouche, hantant son œsophage. Pourtant, bientôt, elle le savait, la culpabilité remplacerait cette amertume.

Les dents de la médecin mordaient dans sa lèvre, sujettes aux tourments de son esprit. Sa prise se resserra sur le verre, menaçant de le faire exploser.

-Je peux ? demanda Shikamaru en oeillant ses jointures tournant au blanc.

La ninja hocha la tête. La boisson lui échappa des mains se glissant entre celles du Nara. Elle observa quelques secondes ce garçon qui avait fait comme si de rien n'était à la suite de son annonce choquante, laissant une ambiance confortable entre les deux. Ils étaient deux âmes renonçant à ce concept abstrait qu'était la destinée, préférant se laisser border dans la vie par leurs propres choix.

Les semaines passèrent, se transformant peu à peu en mois. Sakura s'épuisait à l'hôpital à cause du manque de personnel et Shikamaru laissait la sueur couler sur son front fatigué de traiter des documents. Ils se croisaient lors de soirées, échangeant quelques regards. La lueur de curiosité brillant autrefois dans les yeux du Nara avait diminué d'amplitude avec la confession. Il ne restait qu'une flammèche alimentée par la pièce manquante de ce casse-tête qu'était Sakura. Une partie de Shogi et Shikamaru aurait résolu le mystère.

Pourtant, alors que les doigts fins de la kunoichi surfaient entre les tuiles difformes sous les lumières basses du bar, la même fascination que celle apparue à Suna prit les tripes du garçon. Une fascination qui aurait dû mourir étouffée sous la vérité qu'il avait obtenue. Il ne croyait pas en Dieu, mais à ce moment, il priait qui que ce soit là-haut, que cette curiosité se taise. Shikamaru n'attendait rien de Sakura, mais quand il la voyait là, les yeux brillants d'intelligence, il voulait savoir ce qui se tramait derrière ces orbes verts. Il voulait obtenir toujours plus de réponse de la part de la fille, tenter d'atteindre l'essence que Sakura représentait. Les yeux bruns se fermèrent. Il était terrifié de la signification de ce souhait.

La fumée s'accrochait à la langue du garçon. La nicotine tourbillonnait dans sa trachée, tentant vainement d'apaiser son esprit inquiet. Ses yeux étaient fixés au loin, perdus dans un train de pensée qui le traînait par le col dans des eaux dans lesquelles il aurait préféré ne jamais mettre pied. Il expira doucement, regrettant déjà la brûlure réconfortante du tabac infiltrant ses poumons.

Son précédent chiffre se faisait douloureusement sentir. La paupière de Sakura tremblait au rythme de la musique. Son corps la pesait et chaque lumière semblait avoir été créée pour l'aveugler. Lorsque Tenten cria dans son oreille pour se faire entendre par-dessus les fortes basses, la médecin faillit grimacer. Il était définitivement temps qu'elle parte.

Sakura n'eut pas besoin de voir Shikamaru pour savoir qu'il se tenait dans l'ombre du bâtiment. L'odeur de sa marque de cigarette l'enveloppa dès qu'elle mit un pied dehors. Aucune parole ne flotta entre eux tandis que la kunoichi refaisait sa queue de cheval. Auparavant, elle aurait fiché le camp immédiatement. Maintenant que certains non-dits avaient brillé dans la lumière du jour, elle pouvait presque apprécier la présence calme du Nara. Dès que l'élastique s'enroula autour des mèches roses, la ninja se mit en marche, dépassant le garçon accoté au mur.

-Bonne soirée, Shikamaru.

Il hocha la tête et une partie de lui apprécia la civilité. Elle avait pleuré dans ses bras, mais ce n'avait été que sur le coup de l'émotion. Une part de lui avait pensé qu'elle se retrancherait et ignorerait son existence. Ces dernières semaines avaient semblé appuyer son point. Cependant, cette soirée-ci prouvait tout le contraire. Il ne pouvait pas cacher qu'il en était content. Et pourtant, en vue des dires de la médecin, Shikamaru ne pouvait que se reprocher d'être content parce que cette partie d'échecs pouvait vite se transformer en roulette russe.

À l'autre bout du filOù les histoires vivent. Découvrez maintenant