Flavie
C'est le cœur battant à tout rompre que je me réfugie dans mon appartement. Je me suis rarement sentie aussi mal à l'aise. La gêne hautement palpable qui régnait à l'instant dans la cage d'escalier m'a ouvert les yeux, me révélant l'ambiguïté de la situation. Pourtant, j'ai veillé à ne rien laisser paraître de mes sentiments tout au long de la soirée, pour ne pas mettre mon grain de sel dans sa relation avec Lisa. Je refuse de semer la zizanie dans son couple.
Pour me changer les idées, j'entreprends de dresser la liste des choses à aménager dans l'appartement pour m'y sentir vraiment chez moi. Très fière du travail que j'ai accompli sur la vieille commode de mon frère, je prévois d'acheter quelques objets décoratifs et des cadres pour agrémenter la pièce. Des plaids et des coussins aux tons chaleureux pour rendre le canapé moins austère s'ajoutent à ma liste. Je note enfin de choisir de nouveaux rideaux et un tapis pour le salon.
Satisfaite de mon inventaire, je me glisse sous une douche bien chaude avant d'aller me coucher. Malgré la fatigue, le sommeil peine à s'installer. Mon cerveau carbure à plein régime, ressassant cette soirée si simple et agréable.
***
Le soleil me réveille de bon matin, comme chaque jour depuis mon arrivée ici. Je me demande vraiment comment mon frère a pu dormir si longtemps sans rideaux. Sachant que c'est peine perdue, je me camoufle malgré tout sous ma couette pour tenter de grapiller quelques minutes de sommeil supplémentaires. Je décide finalement de me lever et d'aller acheter ces fichus rideaux, ainsi que ma nouvelle décoration.
En fin de journée, l'appartement est aménagé à mon goût. Affalée dans le canapé je m'enroule quelques minutes dans un plaid, juste pour le plaisir, avant de rejoindre mes nouveaux amis pour ma soirée d'intégration. Nous passons la soirée à jouer aux fléchettes et au billard en buvant quelques bières. Certains s'amusent à m'apprendre du vocabulaire vulgaire en anglais, tandis que d'autres en profitent pour me demander de leur en apprendre en français. Ce qui me frappe surtout, c'est la gentillesse des gens à mon égard. Cette ville a quelque chose de spécial, que je n'avais encore jamais ressenti ailleurs. Tout le monde semble si heureux et serein que je me laisse porter par leur bonne humeur au point d'en oublier la tension accumulée ces derniers jours.
Le lendemain matin, c'est un ciel pluvieux qui s'offre à moi lorsque je regarde par la fenêtre. L'ironie de la situation me frappe lorsque je réalise qu'il y a eu du soleil tous les matins depuis mon arrivée, jusqu'à ce que j'installe ces fameux rideaux. Ayant bien du mal à me remettre de ma soirée de la veille, je me glisse avec plaisir sous la douche. L'eau bien chaude ruissèle sur ma peau pendant que j'émulsionne mon shampoing, détendant mes muscles à souhait. Je ne peux réprimer un petit cri aigu lorsque l'eau devient tout à coup glaciale. En un bond de côté, je me mets à l'abri de ce jet d'eau diabolique avant de me faxer contre le mur pour arrêter la source du problème. Dégoulinante, je m'enveloppe dans une serviette et fait de même avec mes cheveux pleins de mousse. D'abord dubitative, je me souviens ensuite que mon frère m'avait signalé que le chauffe-eau était parfois un peu capricieux. J'envisage rapidement mes options et opte pour celle qui se trouve de l'autre côté du palier.
J'enfile la première robe qui me tombe sous la main et me dirige à petits pas feutrés vers la porte de Ben, les cheveux toujours enroulés dans ma serviette qui atteint les limites de ses capacités d'absorption. D'abord hésitante, je frappe doucement à sa porte de peur de le réveiller en ce dimanche matin. Trouvant finalement les secondes interminables à attendre ainsi sur le pas de sa porte, j'y mets un élan plus vigoureux qui s'achève dans le vide lorsqu'il ouvre sa porte au même moment. Les cheveux décoiffés, mais qui lui donnent un charme fou, il termine d'enfiler un t-shirt. Mes yeux dévient malgré moi sur la peau nue de ses abdominaux, suivant inexorablement le mouvement du tissu qui descend pour les recouvrir. D'une main, il ébouriffe ses cheveux pour tenter de les discipliner en détaillant mon allure de la tête aux pieds. Je tente de ne rien laisser paraître du trouble que cela provoque en moi et les mains jointes, je l'implore presque :
- Dis-moi que tu as de l'eau chaude dans ta douche.
Il secoue la tête en riant puis ouvre sa porte en grand pour me laisser entrer chez lui.
- Le chauffe-eau ? présume-t-il.
- Tout juste ! Ça se passe tous les combien de temps exactement cette histoire de chauffe-eau ? me renseigné-je.
- Tout ce que je sais, c'est que ça tombe toujours un week-end, un jour férié ou un jour où t'as un rendez-vous important, rétorque-t-il avec un clin d'œil en conclusion.
- Je vois...
Frappée par la hauteur sous plafond de son appartement par rapport au mien, je redresse la tête et découvre une mezzanine dans laquelle j'aperçois ce qui ressemble à un petit studio photo. Je reporte ensuite mon attention sur le reste de l'appartement à la décoration à la fois masculine et rassurante. Différents types de photos imprimées en grand format décorent les murs, surtout des paysages ou des monuments.
- La salle de bain est par là. Je te fais couler un café en attendant ? propose-t-il.
J'opine du chef et me dirige vers la porte qu'il m'a indiquée.
Une fois rincée, j'attache mes cheveux humides en chignon puis je remets ma robe, encore un peu trop légère pour la saison. Sa salle de bain étant aussi petite que la mienne, son miroir s'est rapidement couvert de buée. Prête à sortir, je me ravise finalement et décide sur un coup de tête d'écrire un message sur son miroir avec mon index. Satisfaite, j'ouvre la fenêtre et regarde la buée disparaître avec le message qu'elle contient, un sourire au coin des lèvres. L'odeur de café m'accueille quand j'ouvre la porte pour le rejoindre. Il désigne d'un signe de tête un pull épais sur son canapé :
- J'ai sorti un pull pour toi, tu vas attraper froid comme ça.
Je ne me fais pas prier et l'enfile par-dessus ma robe. On frappe à la porte, et Ben me regarde de façon curieuse avant d'aller ouvrir. Lisa apparaît, un sachet de croissants dans les mains. Elle embrasse Ben puis entre dans l'appartement avant de se rendre compte de ma présence. Elle me toise du regard, observant tour à tour la salle de bain d'où émane encore l'odeur de mon shampoing et le pull que je porte. Je peux lire toutes les questions qui clignotent au-dessus de sa tête et me sens à nouveau de trop. Ne sachant pas quoi faire, je reste immobile, de peur d'aggraver la situation. C'est Ben qui met fin à ce duel silencieux en nous invitant à nous installer à table après avoir expliqué mon petit problème de douche à Lisa.
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À deux pas de chez toi
RomantikUne nouvelle ville où tout recommencer, voilà ce dont Flavie avait besoin. Mais sa volonté vacille quand elle part en sachant que son nouveau voisin n'est autre que le meilleur ami de son frère, pour qui elle avait un faible à l'adolescence. Quand s...