Partie 8

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Cette fois, on y est. pensa Alister en regardant sa valise, remplie, fermée, posée au sol et parfaitement prête pour le départ. Il avait remis le peu de chose qu'il avait dérangé en place, tiré les draps, bref, si le registre de l'hôtel n'avait pas enregistré son séjour, personne n'aurait pu penser que la chambre avait été occupée ces sept derniers jours. Pourtant, elle l'avait bien été. Le garçon à la mèche blonde vit remonter les souvenirs des fois où il y était rentré en trombe, à la recherche de quelque chose qui leur tiendrai chaud pour la nuit, ou bien pour y pleurer à l'abri des regards. En ouvrant la porte, valise à la main, il aurait presque espéré que Spirou l'attende devant, pour lui demander s'il avait bien penser à commander de quoi manger la veille (il avait oublié, encore), ou simplement le prendre dans ses bras. Mais il n'était pas là.

Ce serai un départ normal, songea-t-il. Comme s'il n'avait aucune attache ici. Un départ normal, dans une journée normale, pour une personne normale. Il en serait de:l même pour le rouquin. Ils ne se verraient pas partir, ils continueraient de vivre jour après jour une vie banale, et au milieu de tous ces jours ils noieraient la douleur. C'était comme ça qu'il envisageait le cours des évènements : un départ à la fois doux, sans émotion, sans confrontation, sans « au revoir » ; mais pourtant infiniment violent, dans toute la douleur de l'éloignement et de l'absence de l'autre.

Au fond, peut-être que ce calme douloureux était préférable.

Mais tout ça évidemment, c'était sans compter Spirou : Alister aurait dû être habitué, après les péripéties des derniers jours, à ce que le jeune roux aille presque systématiquement dans le sens inverse de ce qu'il aurait pu imaginer, mais il resta pourtant figé de surprise en l'apercevant, en ce début de matinée, de l'autre côté de la porte d'entrée principale de l'hôtel, à gérer le départ des clients. Le garçon à la mèche blonde se dirigea vers le guichet d'accueil pour rendre ses clés, ne parvenant que très difficilement à quitter des yeux le veston rouge du groom devant le parvis de l'hôtel.



Lambert commença à s'inquiéter lorsqu'il vit arriver au guichet le jeune homme à la mèche blonde. Spirou était dehors, ce jeune client allait bientôt s'en aller, et son employé allait se retrouver dans une position très inconfortable si la personne qu'il avait appelé il y a un moment déjà n'arrivait pas très vite. Pour cette raison, il guettait lui aussi le parvis à travers la porte transparente, et s'arrangea pour retenir le jeune homme aussi longtemps que la politesse le rendait possible, sous prétexte de vérifications, et de machines « très peu fiables, si vous voulez mon avis » qui refusaient d'obéir.

Le garçon à la mèche blonde articulait des « oui oui » et des « d'accord » distraits, d'un ton presque pressé, jetant sans cesse des œillades vers la porte. Décidément, se dit Lambert, être réceptionniste de cet hôtel n'était pas de tout repos.



Un rapide coup d'œil à l'intérieur de l'hôtel appris à Spirou qu'Alister se trouvait à l'accueil. Presque aussitôt, il sentit un stress intense monter en lui. Pourtant, c'était exactement pour cette raison qu'il était ici : il voulait dire au revoir au garçon à la mèche blonde. Il n'aurait pas dû être étonné de le voir, ni anxieux à l'idée de lui parler, mais malheureusement pour lui, le jeune homme avait le don de toujours le mettre dans tous ses états. Il résistait à l'envie de prendre ses jambes à son cou et de partir se cacher loin de lui. Au fond, il n'était plus si sûr de vouloir lui dire au revoir. Peut-être était-ce mieux qu'il ne le voit pas partir ? Il n'était pas prêt à se séparer de sa présence, il pouvait presque prédire qu'il passerai les prochaines semaines (peut-être même les prochains mois) à croire désespérément qu'il retrouverai Alister en toquant à la porte de la chambre qu'il avait occupé pour y servir les prochains clients.

Je vous trouve un charme fouOù les histoires vivent. Découvrez maintenant