On l'avait pourtant prévenue : ouvrir ce livre allait causer sa perte. Mais elle en avait tellement entendu parler qu'elle n'avait pas résisté. Ce thriller, il lui avait mis l'eau à la bouche. Elle avait été charmée. Séduite. Dire que ce n'était pas du tout son genre de prédilection en règle générale.
— Le quotidien des gens ordinaires.
Elle n'arrête pas de se répéter cette suite de mot, de la retourner, de la tâter avec sa langue, de la goûter, de la mâcher. Le quotidien. Des gens. Ordinaires. Ce titre est dénué de sens quand on a pas lu le livre. Quand on l'a lu...
Une main se pose sur son épaule et la fait sursauter violemment. Ugo ? Non, je ne peux pas, je ne veux pas mourir tout de suite ! Elle prend ses ciseaux, se retourne, et s'arrête à un millimètre du t-shirt de... François, son collègue de travail.
— Eh, Céline ! Tu veux bien te calmer ? T'es vraiment pas toi-même, ces derniers temps...
Elle bafouille :
— D... désolé... je t'ai pris... pour quelqu'un d'autre...
Il soupire.
— Ne me dis pas que c'est encore à cause de ton stupide bouquin ? Faut que t'arrête d'être parano, ma grande ! C'est qu'un livre, ça arrive pas dans la vraie vie, t'sais ?
Mais il ne l'a pas lu. Il ne sait pas. Elle, elle sait. Ugo a posé la main sur son épaule avant de la tuer en lui arrachant la gorge. Elle l'a lu, elle l'a vécu.
— Tu veux bien me donner le rapport que je t'avais demandé de boucler ?
— Ah, euh, oui...
Un rapport ? Mais... Vic' lui a demandé le rapport juste avant de la kidnapper puis de la... torturer.
— Non ! Non ! Je ne veux pas te donner de rapport.
Elle se lève, sa tasse de café brûlant à la main, prêt à le jeter à la figure de son agresseur... qui recule, épouvanté.
— Mais... Céline ! T'as vraiment un problème.
Elle se rend compte de ce qu'elle est en train de faire, repose sa tasse, et s'assied sur le bureau, choquée.
— Je...
Elle ne sait pas quoi dire. Ce livre lui a retourné le cerveau. François s'approche d'elle.
— Tu vas prendre une pause, aujourd'hui... Je te l'offre, tu en as bien besoin.
Elle hoche la tête. Et là, elle a un déclic. Safia a fait la même chose la dernière fois, et elle s'est introduite chez elle pour ensuite l'empoisonner, et à tous les coups, elle veut recommencer. Alors Céline attrape le minuscule cactus dans le pot bien lourd sur son bureau, et le lance en plein dans le visage de Sa...François. Il tombe au sol, et s'étale de tout son long, inanimé.
Depuis qu'elle avait lu ce livre, elle était devenue beaucoup trop parano. Chaque fois qu'elle croisait le début d'une des 67 situations présentes dans « Le quotidien des gens ordinaires », elle croyait avoir affaire à un meurtrier. Ce livre, c'est comme s'il racontait à chaque lecteur les 67 moyens de le tuer le plus facilement possible, et il le faisait. Du coup... Elle avait totalement dérapé, tellement ça lui avait foutu les jetons. Céline avait dû faire de longues années de thérapie, avait été internée en hôpital psychiatrique... comme Gaspard avant elle, ou Fabien, Philippe, Margot, Denise, Jules, Zahia, Héléna, Adel, et tous les autres qui ont lu ce livre. On les avait pourtant prévenu : ouvrir ce livre allait causer leur perte.
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E.C.R.I.T.U.R.E.S
Historia CortaLes lettres naissent, les mots coulent, les phrases se forment; Ainsi se créent toutes sortes d'aventures. Ecritures est le recueil de ces péripéties livresques, calme, au frais, sans prise de tête