Chapitre 2

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Antonin se réveilla avec un bras engourdi. Un doux ronflement provenait de la bosse sous la couette à côté de lui. Il essaya de retirer son bras de sous l'oreiller, mais une masse de cheveux ébouriffés émergea, accompagnée d'un regard flou qui se fixa sur lui avant que la mise au point ne se fasse avec l'apparition d'une paire de lunettes.

« Bonjour », murmura-t-elle d'une voix ensommeillée en s'étirant et en baillant.

Antonin chercha à se rappeler son prénom. Il commençait par J, mais Jackie, Jessica, Justine... rien ne lui vint à l'esprit pour rafraîchir sa mémoire.

« Salut », dit-il en déposant un baiser sur sa joue. « Je dois y aller, on m'attend au travail », s'excusa-t-il en se levant et en commençant à s'habiller.

« On se voit ce soir ? » demanda-t-elle en se redressant, cachant la nudité de sa poitrine derrière la couette.

Antonin était perplexe. Après avoir passé la nuit ensemble, pourquoi les femmes ressentaient-elles le besoin de cacher leurs seins ? C'était l'un des grands mystères de la complexité féminine. Mais il y avait des choses plus urgentes à faire pour le moment. Jeanne ? Julie ?

« Je ne sais pas à quelle heure je finis, je dois me déplacer. Je t'appelle, Gabrielle », souffla-t-il en remarquant une enveloppe à son nom.

« Gabrielle, c'est ma mère, abruti. Moi, c'est Aurélie », répliqua-t-elle avec irritation.

Eh oui, Aurélie, se rappela-t-il, un peu tardivement.

Sans se retourner, Antonin quitta l'appartement et, une fois dans sa voiture, il expira profondément, libérant l'air contenu dans ses poumons.

Démarrant sa voiture, Antonin regardait son GPS le sortir de son état de confusion et lui indiquer la route menant à ses bureaux. Après quelques kilomètres, il se gara devant APBT Sécurité, l'entreprise qu'il avait créée après son retour à la vie civile, suite à son service dans l'armée. Il offrait des services de sécurité résidentielle, commerciale et événementielle. Les affaires marchaient plutôt bien, avec de plus en plus de clients. Le bâtiment, d'apparence austère, était situé dans une zone industrielle, et ses premiers clients furent naturellement ses voisins. L'acronyme de la société, APBT pour American PitBull Terrier, était évocateur. Antonin aimait expliquer le choix de ce nom, soulignant que le Pitbull était traditionnellement associé à la force, à l'agilité et à la rapidité, bien qu'aujourd'hui il soit surtout connu pour sa ténacité et sa réputation de chien dangereux.

« Bonjour, Cathy », salua-t-il en franchissant la porte. « Quoi de neuf ce matin ? »

« Soirée tranquille, mais trois caméras ont été vandalisées Boulevard des Rossignols », répondit-elle.

« À quel endroit exactement ? » demanda-t-il, intéressé.

Cathy, la réceptionniste et ancienne factrice, connaissait la région comme sa poche, l'ayant parcourue pendant vingt ans avant de démissionner pour un emploi mieux rémunéré dans le secteur privé, après qu'Antonin lui ait fait cette proposition un jour où elle lui apportait son courrier. Elle lui indiqua sur une carte les lieux des vandalismes, tout en lui donnant quelques informations sur les environs. Une vraie mine d'informations.

« Envoie une équipe pour remplacer les caméras et prévois une patrouille près du quincaillier et du magasin de sport ce soir. Des petits cons vont essayer de braquer ces endroits. Note tous les détails sur la main courante au cas où on aurait besoin de contacter la police.

— Entendu, Antonin. »

S'éloignant en direction des vestiaires, Antonin se changea et enfila son survêtement avant de se rendre à son parcours habituel de cinq kilomètres. Une fois rentré, il prit une douche et se prépara pour la journée, se sentant frais et reposé. Il revêtit à nouveau son costume d'homme d'affaires pour rencontrer ses clients et en prospecter de nouveaux. Son rendez-vous de midi était à l'École l'Orée-des-Bois avec la directrice, Nathalie Desjardins, une cliente régulière depuis quelques semaines. Ils se connaissaient depuis plusieurs mois, depuis que Nathalie avait été promue directrice et transférée dans la région. Nathalie gardait le silence sur les raisons de son transfert, n'ayant ni famille ni ancêtres dans la région, sa famille étant originaire du nord. Un petit ami attentionné ou simplement curieux aurait posé des questions, aurait montré de l'intérêt, mais pas Antonin. Il profitait de sa relation avec elle et de son statut qui lui conférait une certaine respectabilité. Nathalie s'était rapidement attachée à lui et ne cachait pas son désir de légitimer leur relation en l'affichant ouvertement.

Bien qu'Antonin appréciait passer du temps avec Nathalie, il ne se voyait pas aller plus loin. Elle était intelligente, cultivée, drôle, curieuse, sportive, et incroyablement belle, à l'exception de moments où elle lissait ses cheveux en un chignon strict, ce qui lui rappelait des souvenirs qu'il préférait laisser enfouis dans son passé. Nathalie était parfaite, pour n'importe qui d'autre, mais pas pour lui. Elle était passionnée et sauvage au lit, répondant à ses moindres gestes, leurs corps s'ajustant parfaitement, peut-être trop parfaitement. Antonin savait qu'il devait agir rapidement, sinon il se retrouverait avec une bague au doigt et deux ou trois enfants. Pourtant, il adorait les enfants, chez les autres. Il aimait Nathalie, mais pas tous les jours. Il avait besoin de sa liberté, de pouvoir séduire et coucher avec n'importe quelle femme qui lui plaisait, ne serait-ce qu'un peu.

Terminant avec un client qui avait accepté de signer un contrat de surveillance pour son magasin d'informatique, Antonin se dirigea vers l'école pour aller chercher Nathalie, qui lui adressa un sourire tout en rétablissant l'ordre dans les couloirs d'une voix autoritaire.

« C'est effrayant », murmura-t-il, se remémorant Madame Maxence Maupuis, surnommée Mad Max par des générations d'élèves.

Pendant qu'ils déjeunaient dans son bureau, Nathalie lui racontait les exploits de certains de ses élèves et le comportement de plus en plus délinquant d'autres. Elle le prenait à témoin, se rappelant que lorsqu'ils étaient jeunes, ce genre d'agressivité n'existait pas. Antonin ne pouvait qu'acquiescer, constatant chaque jour des jeunes se regrouper pour harceler et agresser les autres, qu'ils soient plus jeunes ou plus âgés. Il se souvenait qu'à l'âge de huit ans, il préférait attraper des Pokémon et jouer au foot avec ses copains, plutôt que de s'en prendre aux autres. Nathalie lui sourit, posant sa main sur sa joue, et lui raconta que même certaines filles abandonnaient les jeux de poupée et de dînette pour adopter des comportements de véritables membres de gangs, parfois plus violents et vicieux que les garçons. Après un bisou affectueux, Antonin la laissa retourner à la gestion de ses petits gladiateurs, et il se rendit à son bureau pour s'occuper des tâches administratives de son travail. Il enregistra son nouveau client dans sa base de données et prépara un devis pour l'installation du système de sécurité qui leur permettrait d'être les premiers informés en cas d'effraction.

Assis derrière son bureau, Antonin se massait l'épaule à l'endroit où une balle avait traversé lors d'une embuscade dans la Vallée de l'Euphrate en 2018. Élevé avec des superstitions, il regarda involontairement le ciel, à la recherche de nuages annonciateurs d'une future tempête.

« Ça ne présage rien de bon. »

Second chances Tome 1/6Où les histoires vivent. Découvrez maintenant