Chapitre 14

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« Erika ? Erika Sweet ? » demanda Pierre en s'asseyant en face de Bethany à la table du jardin, la prenant par surprise et la faisant lever la tête de son livre. « C'est bien toi, n'est-ce pas ? » poursuivit-il en posant brusquement le DVD de "Once upon a time with my tongue" sur la table, qui heurta le verre de vin de Bethany.

Pendant ce temps, Kara et sa mère s'affairaient à changer les draps et à faire le ménage de la maison avant de se rendre à l'hôpital pour récupérer la grand-mère.

« Monsieur ? » répondit Bethany, posant rapidement son livre sur le DVD pour le dissimuler.

« La fille à gauche te ressemble énormément. Ma femme ne doit jamais découvrir que j'ai ce film, c'est la première fois que j'en achète un. Mais je trouve que son sourire, ses yeux, tout cela te ressemble tellement. Je n'ai pas regardé le film, mais juste cette photo...

— Ce n'est pas moi, Monsieur.

— Si ce n'est pas toi, ça me soulage, car ce serait déchirant de penser que ma fille et toi soyez actrices dans des films pornographiques. Imagine un instant la réaction de sa mère et de sa grand-mère si elles venaient à l'apprendre. Je te demande d'être honnête avec moi, s'il te plaît. Tu sembles avoir de véritables sentiments pour ma fille, nous t'avons accueillie dans notre famille. Si je fais des recherches sur internet, est-ce que je risque de trouver des photos ou des vidéos de cette Erika Sweet avec une fille qui ressemble énormément à ma fille ?

— Je ne sais pas, Monsieur... » hésita-t-elle un instant avant de se reprendre. « Mais... oui, certainement », avoua Bethany.

« Oh mon Dieu ! » souffla Pierre. « Mais pourquoi ?

— Monsieur, vous voyez, j'ai fugué de chez mes parents à l'âge de seize ans parce qu'ils me battaient, me maltraitaient. J'ai traversé la moitié des États-Unis pour arriver à Los Angeles, où j'espérais disparaître et commencer une nouvelle vie. En tant que chauffeur routier, je suppose que vous avez déjà entendu parler d'histoires de jeunes filles prises en stop, voire peut-être même pris en stop une fille vous-même. Certains chauffeurs sont bienveillants, d'autres le sont moins. Malheureusement, j'ai croisé plus souvent la deuxième catégorie que ce que j'espérais, si vous voyez ce que je veux dire. J'ai fini par arriver à Los Angeles, mais sans éducation, sans argent, ma virginité et mon innocence envolées. J'ai dû me battre, voler de la nourriture pour survivre. J'ai trouvé un emploi dans un bar de danseuses où j'ai pu gagner de l'argent en utilisant mon corps. Je ne suis pas une prostituée, Monsieur, mais je n'avais pas d'autre choix pour me loger et me nourrir. Peut-être que mes parents me cherchaient, peut-être que la police était à ma recherche, donc je ne pouvais pas trouver de travail légal. Quand j'ai eu dix-huit ans, j'étais déjà morte à l'intérieur, vous comprenez. Un jour, un client m'a proposé de gagner un peu d'argent en tournant dans un film. Ce jour-là, ma vie a changé. J'étais seule, perdue, et j'ai rencontré quelqu'un qui est devenu important pour moi, dans ma vie. Cette personne m'a sauvé la vie, et depuis ce jour, je l'aime.

Bethany ne parla pas du fait qu'elle se retrouvait seule face à une avalanche de sentiments, une combinaison de colère, de culpabilité et de peur. Personne n'était là pour l'aider à surmonter ses angoisses, à apaiser ses craintes. Elle dut se débrouiller seule, en compartimentant ses émotions plus ou moins bien. La douce et sensible Bethany, qui aimait lire et apprendre, fut reléguée à un coin de sa conscience, laissant place à une Bethany déterminée à se défendre et à ne plus jamais être abusée.

« Harper, où es-tu ? » entendirent-ils, faisant sursauter Pierre.

« Je suis dans le jardin », répondit-elle. « Ne soyez pas dur avec Kara, vous ne savez pas ce qu'elle a vécu. Faites comme si je n'avais rien dit, s'il vous plaît Monsieur. Kara est une personne formidable, elle m'a sauvé la vie.

Second chances Tome 1/6Où les histoires vivent. Découvrez maintenant