Pierre Faydit s'était arrêté sur le parking d'un routier d'un routier sur la route de Barcelone pour prendre une pause et se restaurer. Alors qu'il attendait son repas, il laissa ses doigts glisser machinalement dans sa poche et sentit la lettre de Bethany. Un mélange de curiosité et d'appréhension l'envahit, et il décida néanmoins de la sortir et de la lire.
Les yeux fixés sur les feuillets de l'écriture serrée de Bethany et, avec un soupir, Pierre se plongea dans la lecture de ses mots. Rapidement, ses émotions le submergèrent et il ne put retenir les larmes qui s'échappaient de ses yeux. Il prit une serviette en papier pour s'essuyer le visage, cherchant à dissimuler son émotion aux regards des autres personnes présentes dans le restaurant.
Monsieur Pierre,
J'ai conscience que vous espériez mieux pour votre fille, Caroline, que je ne suis pas celle que vous aviez imaginée pour elle, que je vous ai déçue. Que nous vous avons déçues. Je ne suis pas une mauvaise personne, enfin je crois. Mes parents diraient certainement le contraire. Je ne prétends pas être parfaite, et je sais que mes choix et mon passé peuvent susciter des doutes et des jugements. Mais je tiens à vous expliquer mon histoire.
J'ai longtemps vécu seule avant de rencontrer Caroline. À mon arrivée à Los Angeles, je me sentais sale, avilie, complètement brisée. Mon premier viol, avec le troisième chauffeur routier qui m'avait pris en stop, a détruit une partie de moi, de mon âme. Pour parcourir les 2700 kilomètres jusqu'à Los Angeles, j'ai dû faire du stop à sept reprises. J'ai été victime de viol à trois reprises. Marchant la plupart du temps, j'ai craint pour ma vie à maintes reprises. Je ne cherche pas la pitié, c'était ma décision de fuir. C'était soit mourir lentement chez mes parents, soit... subir ce qui m'est arrivé. Los Angeles semblait être l'endroit parfait pour disparaître, survivant grâce à des vols et dormant dans des endroits si sombres que même en plein jour, personne ne s'y aventurait. J'étais seule, repliée sur moi-même. Et j'ai trouvé le courage d'entrer dans un établissement où je pourrais peut-être trouver du travail, un bar de danseuses. J'avais à peine dix-huit ans, mais les épreuves m'avaient physiquement et mentalement vieillie. Le gérant n'était pas très exigeant, du moment que j'acceptais de me déshabiller sur scène.
Si, dans ma vie précédente, j'aurais été choquée et timide, ce n'était plus le cas. Cette personne-là est morte sur la route. Je suis restée là-bas quelques mois avant de changer de bar, puis encore un autre, pendant trois ans. Je n'avais pas d'amis, je ne parlais à personne. Je fréquentais uniquement la bibliothèque, où j'ai retrouvé le plaisir de lire, surtout en français. Jusqu'à ce que l'on me propose de gagner un peu d'argent en tournant dans un film érotique. Ce jour-là, je suis revenue à la vie. J'ai rencontré Caroline. EElle a été présente pour moi, s'est occupée de moi comme une amie, alors que nous ne nous connaissions pas. Tout ce que je voulais, c'était m'asseoir pour boire un café et lire un peu, et par hasard, je me suis assise à côté d'elle. Après le tournage, dont je vous épargne les détails, elle m'a invitée chez elle, me proposant de passer la nuit, sur le canapé, je vous rassure. Mais elle m'a donné des vêtements propres et préparé un vrai repas, à table, pas de fast-food. Elle me parlait et me poussait à parler. Je me sentais en confiance, et elle a deviné que j'avais fugué, que j'avais vécu dans la rue. Je lui ai tout raconté.
Monsieur Pierre, vous êtes la deuxième personne à qui je dévoile tout, et je m'excuse de me livrer ainsi. Caroline a beaucoup pleuré et elle m'a accueillie chez elle pendant un certain temps, le temps de trouver un véritable logement, en me prêtant de l'argent pour payer mes premiers loyers. Elle a trouvé un agent pour moi et s'est portée garante. Ce n'est pas vraiment ce que je souhaitais faire dans la vie, mais c'était mieux que rien. J'avais une amie. Je n'ai jamais pu tourner de scènes avec des hommes, je ne le supporte pas. Je ne tournais qu'avec des femmes, des femmes et Caroline. Je lui dois énormément, ma vie en réalité. À ses côtés, je me suis épanouie. En quelques mois, Caroline a réussi à réveiller quelque chose que je croyais mort. J'étais morte à seize ans sans avoir réellement ressenti d'amour, à part une brève histoire d'adolescente. Je refoulais systématiquement tous mes sentiments, ne sachant pas comment y réagir. Mais alors, vous vous demandez sûrement, comment puis-je être certaine que c'est de l'amour ? Ce sentiment était enfoui au plus profond de moi. Ce sentiment de manque quand je ne la vois pas, cette joie intense quand je la retrouve, cette sensation dans mon ventre, les battements de mon cœur. C'est chimique. C'est unique.
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Second chances Tome 1/6
RomanceBethany et Kara connaissent l'envers du décor, vivre à Los Angeles n'est pas forcément glamour et glorieux. Profitant de vacances en France, elles rencontrent deux anglaises, Abigail et Tilly, errant sur les routes, recherchées par la police britann...