Chapitre 8

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Le froid transformait sa respiration en buée. Ses pieds tentaient tant bien que mal d'éviter ces plaques de glace la séparant de son lit. Sakura n'avait aucune idée de combien de temps elle était restée debout à regarder malade sur malade passer. Elle n'arrivait même pas à se souvenir d'un seul visage. Elle savait juste qu'à la fin de cette interminable ribambelle de personnes, Morphée l'attendait à bras ouverts.

La kunoichi tournait un coin quand elle sentit une haleine teintée d'alcool se laisser porter par le vent hivernal. Elle eut à peine le temps de s'interroger sur sa provenance qu'une main se posa dans son bas-dos la faisant dévier sur de la glace. La ninja aurait pu se téléporter pour éviter la douloureuse chute qui s'ensuivit. Elle aurait pu, mais elle ne le fit pas, par manque d'énergie probablement. Le fessier de l'adolescente encontra le sol et une douleur lancinante parcourut son coccyx. Pour la première fois depuis des jours, son visage se tordit dans une expression de souffrance.

-Strike !

L'odeur fétide d'alcool fermenté par la salive parvint aux narines de Sakura tandis que son corps se figea une seconde.

-Tutute, on ne joue pas avec un aussi beau visage.

La voix était moqueuse et rauque d'avoir vomi du malt. Pourtant, même dans son état de zombie, Sakura l'aurait reconnue n'importe où. Elle avait passé les onze premières années de sa vie à supporter cette voix. Les relents putrides s'intensifièrent alors que son père s'approchait de sa silhouette assise négligemment au sol. Leurs yeux se croisèrent et elle lut une haine immense dans ce regard qui aurait dû être aimant. Il saisit son menton entre deux doigts, le soulevant délicatement. La fille le regarda faire. Elle ne trouvait pas la force de s'opposer à ce contact qui l'horripilait. Des rires retentirent, s'échappant de la bouche des comparses, amis de son géniteur. Des murmures emplissaient l'air rempli de haine. Avant même qu'il n'ouvrit sa bouche de ses doigts, elle savait qu'il allait les enfoncer en recherche de sa luette. Elle le savait, mais elle ne fit rien pour l'arrêter.

Ses bruits de vomissement résonnaient dans la rue. Son estomac avait beau se contracter pour se déverser de son contenu, seule de la bile bordait ses lèvres. Un mouvement brusque de la main de son père lui fit claquer la nuque. Leurs prunelles n'étaient qu'à quelques centimềtres l'unes des autres. Leurs haleines nauséabondes se mélangeaient pour créer une toxine olfactive. Pourtant, ce n'était pas ce qui attirait l'attention de la médecin. La lueur victorieuse dansante dans les billes de l'homme captait toute son attention. La haine se cachait derrière cette arrogance victorieuse. Il avait encore de l'emprise sur son âme tourmentée et ce savoir était si délicieux aux yeux de Kizashi qu'il relâcha son menton pour la soulever par la gorge. Il pouvait faire ce qu'il voulait. Mebuki et lui l'avaient tellement brisée qu'il ne leur restait qu'une coquille vide à écraser. Sa prise se resserra, ses ongles mordant dans la chair de l'adolescente.

-C'est Keiko qui sera contente d'avoir une coloc.

Les mots débordant de mépris prirent du temps à cheminer jusqu'au cerveau de Sakura. Pendant quelques instants, les syllabes flottèrent dans son esprit, attendant d'être assemblées. Dès que les lettres se coordonnèrent, une rage ardente éclata chez la ninja. L'émotion vive était presque douloureuse pour son corps habitué à un calme stable dans les derniers jours. Le sentiment l'éblouit. Elle voulut empoigner le bras la privant d'oxygène, mais avant qu'elle n'eut l'occasion de le faire, la poigne se desserra d'elle-même. Un air confus emplit les traits de son géniteur se transformant peu à peu en air colérique. La même confusion habita Sakura jusqu'à ce qu'elle remarqua l'ombre s'enroulant autour de Kizashi.

L'odeur de cigarette remplaça celle de l'alcool et de vomi. Les mains dans les poches, Shikamaru s'avança. Nez à nez avec le père de Sakura, il se pencha en avant pour analyser cette pourriture qui avait essayé d'étrangler sa collègue. Les billes brunes se fendirent tandis que ses lèvres laissèrent le mégot tomber dans le cou de l'homme, brûlant la peau légèrement. Les pensées de l'adolescent tourbillonnaient, déterminant quoi faire avec cet humain. Il finit par le laisser-aller, non sans lui avoir rendu la monnaie de sa pièce au préalable.

À l'autre bout du filOù les histoires vivent. Découvrez maintenant