Un ciel étoilé, pour les derniers instants d'un être brisé

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Ses yeux humides contemplaient tristement l’infini de l’horizon ; ses jambes tremblantes avançaient misérablement sur ce funeste pont. La froideur mortifiante de la nuit glaçait petit à petit ses mains écorchées, anesthésiant ainsi la douleur cinglante de ses poignets scarifiés. Son corps apathique chancelait au milieu de l’opacité crépusculaire, semblablement au scintillement de sa vie vacillant dans l’affliction.

   Le cœur déchiré par son souvenir, il ne lui restait qu’un souhait : le rejoindre. Au fond, c’était tout ce qu’elle avait toujours voulu depuis ce jour effroyable.

Elle n’en avait pas une fois perdu la volonté en deux ans ; chaque jour, chaque heure qui avait passé, elle n’avait cessé de penser à lui. La force du temps n’était pas parvenue à résorber cet amour autrefois si sublime, aujourd’hui si affligeant. 

Elle avait tant essayé de s’en défaire, en vain.

Les moments qu’elle avait passés avec lui resteraient à jamais ancré dans son cœur ; ils perdureraient indéfiniment dans l’éternité de la mort, tout comme cette image atroce. Celle de l’homme qu’elle aime gisant dans une marre de sang, le crâne fracassé, les membres déchiquetés.

Oui, elle s’en souvient trop bien ; l’unique être qu’elle a jamais véritablement aimé sautant de ce pont, abandonnant définitivement sa vie en même temps qu’elle. Elle a encore parfaitement en mémoire cette vision horrifique, à laquelle n’ont succédé que les affres du désespoir ; ses larmes torrentielles se déversant le long de son visage décomposé, ses cris épouvantés retentissant dans le vide de ce gouffre mortel.

Elle se rappelle de ces derniers mots résonnant incessamment dans son esprit dévasté : « Je suis désolé, je t’aime, trouve l’amour auprès d’un autre et continue de vivre, je t’en prie ».

Vivre ? Mais comment ? 

Comment peut-on parvenir à vraiment prendre un nouveau départ, lorsque la vie n’a été pour ceux qu’on aimait qu’un infâme abattoir ? 

Comment peut-on encore rêver d’une nouvelle histoire, lorsque tout ce qu’on a connu n’a été que cauchemar ? 

Elle n’avait pas vécu une seule seconde depuis ce jour ; c’est une enveloppe vide qui avait survécu, pas elle. Sa véritable vie s’était brutalement écrasée avec lui en bas de ce pont ; seule la douleur avait subsisté dans le néant de son être. La beauté de leur amour n’était plus incarnée que par le chagrin et l’amertume. Il n’en restait qu’une âme vidée et une tombe esseulée ; les vestiges d’une femme et d’un homme oubliés dans l’effroi de leurs destinées. 

Oui, ce jour-là, ils sont morts ensembles ; il a tué celle qu’il aimait en se suicidant. 

Leurs cœurs ont pris le même chemin, mais leurs âmes se sont trouvées séparées. 

Alors, dans le désir d’une ultime union, comme lui, elle sauta. 

La peine de quelques êtres Where stories live. Discover now