L'ANTI-HÔTE [Partie 1]

13. Menace (3)

Torielle

- Je vois que je ne suis pas le seul à anticiper largement mes rendez vous.

Le président lança alors un sourire ravageur à Torielle qui arqua un sourcil, méprisante.

- Vous auriez pu me dire avec qui j'avais rendez vous.

Le Lieutenant ne cachait pas du tout son embarras, mais le président répondit à sa place.

- C'est moi qui ai tenu à garder mon identité secrète. Je ne voulais pas vous faire peur.

- C'est un plaisir de vous accueillir monsieur le président, rattrapa Steve Blake face au désarroi de son supérieur.

- Je ne suis plus le président lorsque je suis ici, mais simplement directeur.

Il arrangea une mèche rebelle de cheveux gris. Même avec la cinquantaine passée, Elvis Domoto était toujours aussi charmant et sa beauté lui donnait encore plus de notoriété.

- Vous vouliez me voir monsieur ? questionna enfin Torielle, désireuse de masquer l'inquiétude qui l'animait face à cette visite surprise.

- Elle n'a pas pu se changer, s'empressa d'ajouter Steve pour tenter de faire bonne impression. Le rendez vous n'était...

- Ce n'est pas grave voyons, s'exclama le grand homme en costume gris. J'aime à savoir que mes officiers se préoccupent plus de leur travail que des convenances.

- Mais oui Blake voyons ce n'est pas grave, fit semblant de réprimander le lieutenant qui avait enfin retrouvé ses esprits. Je vais vous prêter mon bureau pour que vous puissiez discuter.

Torielle les suivit d'un pas lent, l'esprit tourmenté. Que lui voulait donc Elvis Domoto en personne ? Voulait-il lui parler en tant que directeur du Service de Protection, ou en tant que Président ? Cette pensée lui fit froid dans le dos. Elle connaissait bien Domoto. Elle savait des secrets que personne d'autre ne pouvait connaître, elle le détestait et il arrivait parfois à la terrifier. Le sourire hypocrite qu'il arborait ne lui présageait déjà rien de bon.

Au moins il est au courant que je suis officier. Il est n'est pas totalement ignorant en ce qui nous concerne.

Le lieutenant Richard ouvrit la porte de son bureau climatisé et rangé comme le ferait la personne la plus maniaque de l'île. Il invita Torielle et le président à entrer avant de refermer en soufflant :

- Prenez votre temps, si vous avez besoin de moi, je serai à l'accueil.

Torielle ne l'avait jamais vu aussi prévenant. Il était son supérieur depuis qu'elle était arrivée ici. Dix ans déjà.

Domoto lui tournait le dos. Elle le vit contourner la table de bois au milieu de la pièce puis se tourner de nouveau vers elle pour s'asseoir.

Il avait perdu son sourire et était devenu plus froid qu'une tombe. Torielle grimaça, voilà quel était son vrai visage.

Malgré le soleil qui tapait sur les vitres du premier étage, l'atmosphère semblait être devenue beaucoup plus glaciale et silencieuse.

Domoto était à peine ridé, des cheveux bien gris évidemment, et des yeux creusés, mais lorsqu'il souriait, on avait tendance à oublier son âge avancé. Dorénavant, avec ses sourcils noirs froncés sur ses yeux orangés, il semblait avoir pris dix ans. Torielle paraissait bien jeune face à lui.

- Navré de vous importuner madame.

- Mademoiselle, coupa-t-elle.

Elle détestait qu'on l'appelle madame. C'était Torielle ou Agent, pour elle, rien d'autre.