CHAPITRE 1

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Je déteste ce type. Celui qui dicte que chaque été doit être parfait, car il est évident que si une seule journée foire, la saison est entièrement gâchée jusqu'à la prochaine, le mec qui a inventé cette merde n'est pas le bienvenu dans ma routine quotidienne. Ni dans les chansons de The Beatles apparemment. Les Bluns Senses ont une devise : chaque été doit ressembler au précédent. C'est sûrement Kelly et son lecteur de cassette que je dois blâmer cette fois.

— Allez Emire, ça sera marrant !

Ses pieds se balancent au rythme de la musique alors qu'elle rejoint rapidement l'eau sous les plaintes de notre entraîneur, c'est maintenant que l'été commence, quand je retrouve Kelly et ses pas de danses trop insolites pour que l'un de nous puisse les comprendre ou Dallas et son éternelle ennuie aux magazines de cette dernière.

— Elle dit ça chaque été, et pourtant c'est toujours aussi barbant.

Je ricane en relâchant mes lunettes de soleil sur le sable alors que les marmonnements de Kelly se font entendre à l'autre bout de la plage.

— Son lecteur cassette marche encore, néanmoins.

Il rejette le magazine en roulant des yeux avant de s'adosser contre sa serviette et de se relever brusquement.

— Plus pour longtemps.

Ses jambes se précipitent jusqu'à la silhouette dansante de Kelly tandis qu'elle hurle au moment où Dallas passe ses bras autour de ses hanches pour la repousser dans l'eau. Elle essore son haut en ressortant avant de crier :

— Dallas St James.

Son lecteur émet une autre chanson de Sparky Deathcap alors que je continue de rire en les suivant du regard avant d'apercevoir une lignée de sang près de mes chevilles. Putain non, ce n'est pas censé arriver maintenant. Les rires qui se répercutent contre mon oreille semblent être désormais étouffés par ma respiration qui augmente, je tente de toucher du bout des doigts le sang qui s'évapore désormais sur le sable, mais aucun liquide rouge n'atteint ma main. Je détourne la tête pour entrevoir les alentours de la plage alors que le ciel se recouvre d'une infime couche de gris.

— Emire ?

La voix de Kelly me ramène brusquement à la réalité quand je relève le regard vers elle pour le reposer sur ma cheville, aucune trace de sang n'est visible, ni sur le sable.

— Il rêve encore de sa planche de surf chez les Bluns Senses.

J'esquisse un rictus qui doit ressembler un peu plus à une grimace, ils ne s'inquiètent pas de savoir si ça va ou non, c'est déjà ça.

— Je ne reprends que dans quelques jours.

Il roule des yeux en se reposant sur sa serviette en la secouant légèrement, je jette de brèves œillades à ma cheville avant de fixer mon téléphone une nouvelle fois éteint. J'ai toujours eu du mal à comprendre pour quelles raisons Dallas n'a jamais aimé le surf, ni l'été. Sûrement parce qu'il est un garçon de l'hiver, né pour se trouver sous la neige.

— Maintenant que les entraîneurs ne font plus la file pour te décrocher du club, avoue-t-il, tu comptes changer ton point de vue ?

Dallas s'exprime mal. Pourtant je ne lui en veux pas, ses mots ne sont pas censés faire souffrir une personne quatre ans après le drame qui a conclu cette phrase, aucun entraîneur ne veut faire la file pour un membre des Bluns Senses désormais, aucun.

— Non.

— Tu ne sais pas ce que ce club est capable de faire aux surfeurs.

Je déglutis en sentant des frissons remonter le long de mon corps, je sais de quoi il est capable, et je l'ai vue à l'œuvre.

The Shade Of SosthèneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant