EXTRAIT

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Mois d'Août, Maison centrale de Poissy

La porte en fer, rouillée et mal repeinte, grinça quand elle s'ouvrit sur la minuscule pièce illuminée par la faible lueur d'un plafonnier déglingué. Une couverture aux traces suspectes avait été mise sur les barreaux de fer occultant une partie de la lumière du jour en ce mois caniculaire d'Août. Un vieux radiateur électrique reposait attendant les jours d'hiver, coincé entre le chiotte - si nous pouvions appelé cet endroit encore un toilette - et le lavabo.

Bienvenue à la maison centrale de Poissy, l'une des rares de France à toujours se situer dans le coeur historique de sa ville qui lui donna son nom. Posée comme une verrue purulente, l'ancien couvent des Usurlines transformé en centre pénitencier depuis l'ordonnance prononcée en 1821, est devenu aujourd'hui un cas de conscience pour le maire de la ville, entamant une lutte acharnée avec le Garde des Sceaux pour délocaliser en périphérie de sa ville ce lieu de perdition au nom synonyme d'illégalité et d'immoralité.

La cellule dans laquelle pénétra Alfonso Nikolopopulos ne faisait pas plus de 15 mètres carré. Une aubaine pour son unique locataire. Le seul hic, c'est qu'Alfonso devait partager la cellule avec un détenu qui était le maître de ces lieux. Le jeune homme d'une vingtaine d'années entra donc fébrilement dans la cellule de celui qui se faisait appelé Bazooka.

Une odeur rance mélangée à celle de poulet frit épicé à la coriandre avait saisi immédiatement le nouveau locataire. L'hôte de la cellule n'était pas encore revenu de sa promenade quotidienne. Alfonso avait eu le temps d'installer les quelques affaires qu'on lui avait emporté. Il déposa sur le lit inoccupé ses effets personnels et d'un rapide coup d'oeil, il identifia la pièce crasseuse et bordélique : un réchaud électrique sur lequel une casserole de poulet reposait depuis quelques jours à voir la gueule de l'ustensile de cuisine ; une table adossée au mur et un simple placard blanc à la peinture écaillée faisaient office de rangement.

Alfonso examina le lit d'en face et découvrit rapidement une couverture odorante de sueur. Des affaires personnelles étaient déposées en boule sur le drap. On pouvait y distinguer un débardeur des Lakers de Los Angeles et un short jaune seyant à des dimensions plus qu'honorables. Le jeune homme pouvait alors juger d'un simple coup d'oeil la stature physique de l'occupant. Bazooka devait mesurer plus d'un bon mètre 80, devait avoir des cuisses costauds au vue de son short évasé. Des haltères de 5 à 10 kilos étaient déposées au pied du lit ainsi que des paires de vieilles baskets et des chaussettes de sport à la couleur plus que douteuse. Alfonso s'approcha du placard quand une sonnerie retentit dans tout le centre pénitentiaire.

Des bruits de grilles cliquèrent au lointain et des pas résonnèrent dans le couloir. Les pas passèrent d'un point à un autre sans savoir précisément où ils s'arrêtaient. Alfonso compta le nombre de pas et estima qu'il fallait 30 pas et demi pour faire un aller de l'aile dédiée aux détenus de longue durée. D'autres pas avancèrent (4 pas à un rythme binaire ce qui faisait 2 hommes) et stoppèrent devant la cellule. Puis, le bruit grinçant de la porte en fer se fit laissant s'entrouvrir une silhouette monumentale.

— Un nouveau codétenu Bazooka et t'as rien à dire ! Et cette fois tu y vas mollo avec le nouveau, ordonna un surveillant pénitentiaire en faisant entrer le colosse dans la cellule.

—Tu m'as trouvé une nouvelle nana on dirait mon gros ! Ricana le black aux bras surdimensionnés.

—Ecrase-la et rentre dans ta tanière !

La lourde porte en fer se ferma et un bruit métallique de clé se fit entendre. Les deux hommes se trouvèrent face à face coincés dans une pièce fermée.

« Nous y sommes » pensa Mask-G, oeuvrant sous le nom d'emprunt d'Alfonso. « Faut être à la hauteur de la mission qu'on m'a confié. »

Le black à l'allure titanesque se laissa tomber sur son lit. Une odeur âcre de sueur provenant de ses aisselles inonda la pièce quand il s'allongea. Cette odeur fit un effet à Mask-G : elle agissait comme un phéromone sur ses instincts primaires.

L'ESPION D'UN AUTRE GENRE - TOME 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant