Histoire 1- Louison et Alessandra

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Une matinée d'été, où l'air peinait à se rafraîchir, Louison bercé par ses origines italiennes s'attelait à la cuisine auprès de sa mère pour réaliser des tagliatelles. Les vitres ouvertes donnant sur le jardin laissaient rentrer la douce odeur des rosiers qui longeaient l'extérieur de leur maison. Le parfum à la cerise de sa mère, son sourire légèrement ridé et le verre de rosé entre ses mains réconfortaient Louison, c'était comme ça qu'il se sentait bien en compagnie de celle qui l'avait bercé 9 mois dans son ventre.
Le plan de travail parfumé de farine laissait place aux mains du futur chef cuisinier, qui était d'une grande délicatesse lorsque qu'il préparait un plat qui lui rappelait ses origines. Alors qu'il s'apprêtait à découper la pâte, sa mère posa son verre d'une traite et se jeta sur les mains du jeune homme.
« Non consì ! » Cria-t-elle.
Alessandra, mère d'une douceur exceptionnelle pouvait révéler un grand tempérament lorsqu'il s'agissait de cuisine, c'est peut-être pour ça que son importance pour le goût apporté en bouche avait donné l'envie à son jeune fils d'exercer cette passion. Le repas fut terminé devant les rosiers, à l'ombre d'un tilleul sur des chaises en fer verte qui annonçaient leur fin de vie. Alessandra s'étirait de tout son corps en se basculant sur sa chaise, une cigarette fine au bout de ses doigts.
Le silence était apaisant pour les deux après avoir dégusté leur longue préparation, parfois la présence de l'autre était suffisante pour se sentir bien, protégé sans nécessité de parler. Parfois, ils passaient leurs après-midi à savoir qui lirait le plus de livres accompagnés de tasses de thé, et de leur chat roux Zenzero. Oui vous ne rêvez pas il s'agit bien du mot roux traduit en italien qu'ils lui ont donné le retrouvant abandonné sous ce même rosier lorsqu'il était chaton.
Alors que le silence qui régnait il y a quelques minutes semblait apaiser Louison, la phrase qui s'en suivit le transforma en un silence angoissant.
« J'ai un cancer. Un cancer qui va me tuer »
Les trois premiers mots avaient suffit au jeune homme à verser des larmes, c'était la touche finale du plat qui désormais avait un goût salé. Comme il s'amusait souvent à le dire « Le plat est constitué d'ingrédients mais le principal ingrédient est les émotions que tu transmets dans ce plat ».
Il lui semblait tout à coup que le soleil tapait plus fort, et que tous ses rayons partaient en sa direction pour le plonger dans une insoutenable chaleur. Malgré qu'il soit assis, son cœur battait à toute allure. Il avait déjà envisagé la disparition de sa mère un jour, mais leur bulle était si réconfortante, qu'il ne pouvait jamais vraiment le réaliser. Mais pourtant quelque chose allait détruire cette bulle et son nom portait le nom maudit de Cancer.

Des mois suivirent ce repas salé, Zenzero avait fini par s'installer chez Louison suite aux nombreuses journées qu'Alessandra passaient à l'hôpital, qui se transformait petit à petit en sa nouvelle demeure.
Un dimanche soir du mois de novembre où Louison venait rendre visite comme à son habitude sa mère, celle-ci lui demanda de poursuivre leur lecture habituelle d'un livre qu'elle chérissait et qu'elle lisait à son fils lorsqu'il était petit. Le jeune homme qui était à présent au rang de chef cuisinier, sortit son meilleur accent pour poursuivre leur lecture du moment en italien, il avait toujours aimé cette langue et essayait du mieux qu'il pouvait de l'apprivoiser.
La dernière phrase du livre terminé, Alessandra posa sa main sur celle de son fils bien aimé. Ses cheveux étaient gris, elle semblait avoir pris de l'âge suite à sa fatigue mais elle restait une belle femme avec son sourire toujours en coin.
« Tu sais Louison, l'amour qu'est-ce que c'est beau, l'amour c'est celui qui a servis à te créer, qui t'as bercé dans un cocon, et puis même si l'amour peut partir, il reviendra sous une nouvelle forme, sous une nouvelle âme. Lorsque ton père est partis, j'ai cru que j'allais être incapable de donner de l'amour au petit être que j'avais dans mon ventre, mais ce que je ne savais pas, c'est qu'on était pas obligé d'être trois pour construire notre bulle. Et c'est comme ça que j'ai compris que l'amour n'était pas que synonyme de romance, tu es la plus belle chose qu'il me soit arrivée et crois-moi j'en ai vécu de belles choses ! » murmura Alessandra au creux de l'oreille de son fils
« J'espère que tu prendras soin de Zenzero et que mes rosiers seront toujours aussi beaux en mon absence, n'oublie pas que je t'aime. Tì amo »
Ces doux mots doux italiens avaient emportés l'âme d'Alessandra laissant Louison dans un autre plat constitué du seul ingrédient de la tristesse.

Un an après, la vie continuait, d'autres bulles se constituaient pour Louison. Ce soir il inaugurait son propre restaurant, avec des plats remplis de fierté à servir à ses convives. Comme il se le devait, il avait choisis de faire un restaurant italien avec des recettes tirées de son apprentissage avec sa mère.
La nuit tombait et la fraîcheur avec, Louison termina son verre de rosé accoudé à son plan de travail saupoudré de farine, un sourire en coin, satisfait de son travail et du silence qui régnait après.
Le bruit du verrou, des clés qui se rangent dans une poche et les pas lents de Louison qui s'éloigne de son restaurant qu'il avait tendrement renommé « Alessandra » et qu'il avait pris soin d'orner de dizaines de rosiers.

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⏰ Dernière mise à jour : Aug 11, 2022 ⏰

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