17 FÉVRIER
Cela n'aurait dû être qu'une nuit. Nous nous étions mis d'accord et nous savions dans quoi nous nous embarquions en quittant la capitale sur un coup de tête. Une seule nuit. Une seule et rien qu'une nuit pour succomber à nos envies. Se dire oui à tous nos désirs les plus fous. Nous le savions tous les deux, dès l'instant où nos regards se sont croisés, dès l'instant où nos conversations devenaient ambiguës, il y avait ce petit truc entre nous qui nous attirait de plus en plus. Nous nous étions offert cette opportunité de nous donner l'un à l'autre cette nuit et voilà que je pars en vrille. Mon cerveau ressasse sans cesse ses tendresses envers moi. Ma mémoire ne fait que voir et revoir ses douces caresses pour moi. Mon corps me procure des frissons en me souvenant du bout de ses doigts glissant sur ma peau. Et en ayant cette impression de sentir constamment ses lèvres réchauffer mon cou, mon épiderme s'éveille sans me laisser de répit.
Mon cœur dans tout ça ? Il réagit beaucoup trop à mon goût. Il réagit avec tant de ferveur, avec tant d'intensité en ce lendemain, que je commence à croire que je ne mesurais pas assez les conséquences de nos actes et ce que cette nuit impliquerait. Je savais qu'en acceptant de faire l'amour avec lui, je n'en sortirais pas indemne. Que mon cœur, surtout, n'en sortirait pas sain et sauf. Mais cette tension, cette attirance, cette complicité, c'était tellement trop pour ma raison. Tellement trop pour mes sentiments, mes ressentis... Mes désirs.
Je n'ai su lui dire non, comme lui n'a su le faire avec moi. Je n'ai su l'arrêter, comme lui n'a pu le faire avec moi. A croire que c'était inévitable. Que c'était écrit. Combien de chance avais-je pour me retrouver dans les bras de mon modèle ? Dans ce lit aux draps blancs, perdu au beau milieu de Hokkaidō ? Jamais, ô grand jamais je n'avais failli avec un collègue ou un partenaire devant mon objectif. J'avais toujours fait attention à ne pas dériver, à garder mes distances et ce, même après avoir fini mon travail. J'étais intransigeante, que ce soit sur le terrain ou en dehors.
C'est pourquoi avant lui, je n'ai connu aucune aventure avec les personnes que je photographiais. Pas un n'a connu mon lit et moi encore moins leurs draps. C'est quelque chose que j'ai fait naturellement : être distante. C'est mon tempérament et certainement mes deux gros échecs amoureux qui m'ont valu ces choix de vie. Depuis trois ans, je vis seule, je vadrouille entre le Japon, la France et l'Angleterre, menant des séances photos pour de grands magazines de mode et de danse. Le fait que je sois spécialisée dans le portrait et passionnée par la beauté du corps, sous toutes ses formes, m'amène à faire la rencontre de beaucoup de personnes. Je n'ai jamais été intéressé par mes modèles. Intriguée, oui, pour les mettre en valeur sous mon objectif, mais cela n'a jamais dépassé le domaine de mon travail.
Jusqu'à ce que je le photographie, lui et son charme fou. Lui, et son regard pénétrant. Il m'a capturée en un instant, comme je l'ai capturé en un clic avec mon appareil photo. Il m'a eue dès l'instant où je l'ai vu, sans crier gare. Il était déjà trop tard quand j'ai pris conscience lors de notre première séance photo, que ce n'était pas comme d'habitude, que c'était différent. Il y avait cette alchimie, ce petit truc entre nous, presque invisible, indescriptible. Indéchiffrable.
Je suis tombée sous son charme, et plus encore quand il m'est apparu devant mon Canon, alors que je faisais la mise au point sur son visage. Son visage enjôleur et à la fois sérieux, qui rayonnait sous la luminosité du soleil. Son visage si délicat par ses joues, son nez, sa mâchoire et son menton arrondi. Oui, son visage à l'ossature ovale et moins démarquée que d'autres modèles que j'ai pu capturer avec mon appareil photo avant lui, a eu raison de moi. Et le studio qui baignait dans la lumière du jour, le mettait en valeur, de tout son éclat, de toute sa beauté. C'était irréprochable, indescriptible. Incontestable.
Ses lèvres ? C'était le pire, parce qu'il ne souriait pas, bien trop concentré et studieux pour réussir son shooting. C'est une fierté pour tout artiste du pays de faire la couverture de Vogue Japan. Alors mon modèle tenait à être professionnel et le réussir au mieux. Ses lèvres, elles aussi apparaissaient sous un éclat parfait, au contour bien dessiné. Légèrement épaisses, elles s'harmonisaient avec tout le reste de son visage. Elles donnaient cette irrésistible envie d'y goûter, inévitablement, irrévocablement. Indéniablement.
C'est à ce moment précis que j'ai eu le premier déclic. Avant que mon regard ne croise le sien à travers mon objectif. Derrière celui-ci, tout me donnait l'effet d'être intimiste, nous étions cachés de tout. En fait, j'avais l'impression d'être seule avec lui dans la pièce, alors que toute l'équipe du premier tableau du magazine et de l'interview était là.
C'est pour cela que je me passionne autant pour la photographie et aime autant regarder à travers mon matériel. J'ai cette impression que plus rien ne se passe autour de moi, d'être seule au monde, mes photos, et moi. Cela m'aide à me focaliser sur mon travail. Or, dans ce cas précis, avec lui, c'était tout le contraire. J'étais secouée par tant de beauté sous mes yeux, touchée par ce regard qui m'était dû, attirée par ces lèvres parfaites. J'étais perdue par toutes mes sensations. Ces sensations que je n'avais pas ressenties depuis tant d'années. Je pensais même que jamais je ne les éprouverai à nouveau.
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𝐒𝐎𝐌𝐄𝐎𝐍𝐄 𝐋𝐈𝐊𝐄 𝐘𝐎𝐔
Short Story• 𝘯𝘰𝘶𝘷𝘦𝘭𝘭𝘦 | 𝘧𝘢𝘯-𝘧𝘪𝘤𝘵𝘪𝘰𝘯 • 𝘜𝘯𝘦 𝘪𝘯𝘴𝘱𝘪𝘳𝘢𝘵𝘪𝘰𝘯 𝘥'𝘶𝘯𝘦 𝘯𝘶𝘪𝘵 𝘲𝘶𝘪 𝘢 𝘷𝘶 𝘭𝘦 𝘫𝘰𝘶𝘳 à 𝘵𝘳𝘢𝘷𝘦𝘳𝘴 𝘭𝘦𝘴 𝘺𝘦𝘶𝘹 𝘢𝘪𝘮𝘢𝘯𝘵𝘴 𝘥'𝘌𝘮𝘮𝘢 𝘱𝘰𝘶𝘳 𝘕𝘢𝘬𝘢𝘮𝘰𝘵𝘰 𝘠𝘶𝘵𝘢. 𝘊'𝘦𝘴𝘵 𝘤𝘰𝘶𝘳𝘵, 𝘮𝘢𝘪𝘴...