De l'Enfer au Septième Ciel

Chapitre 1.

Quitte à te raconter comment j'en suis arrivé là, autant commencer par le début (on s'en serait douté non ? Bref).

Comme chaque journée - qui pour vous se compte en plusieurs mois - je suis réveillée par les beuglements de ma chef, Miostia. Pour vous la présenter sous son meilleur jour, c'est une succube de rang Diamant. Dans notre hiérarchie, les succubes sont classées par catégorie de pierres : brasiers, ambre, émeraude, opale, saphir, rubis et diamant. Pour ma part, je me situe dans le rang saphir. Pour en revenir à Miostia, c'est une succube assez grande, aux épaules assez larges digne d'un incube de haut rang mais qui pourtant reste d'une élégance folle (un peu comme vos humaines qui nagent dans l'eau là... Ah oui ! Des athlètes de natation !). Ses yeux sont d'un rouge vif perçants comme le sang, un visage assez arrondis et des cheveux d'un noir charbon. Elle a beau avoir un millier d'année de plus que moi, aucune ride ne vient défraîchir son beau visage (qu'est-ce que je raconte moi ? Bien sûr que ça n'arrivera pas vu que nous sommes immortelles, sombre crétine).

- Encore à la traîne, Idris ? Tu sais ce qui t'attends si ton quota d'âme n'est pas atteint ?

Elle marchait devant moi sans me regarder, sa robe noire traînant sur le sol comme la traîne d'une mariée.

- Oui je sais Miostia. Dame Lilith entendra parler de mon cas...

Et pourtant ce n'est jamais arrivé. Remontant mes cheveux rouge en un chignon parfaitement désordonné, je jetais un regard par la fenêtre de notre aile du château des enfers qui donnait sur la cour principale. Le débarquement des damnés s'apprêtait à commencer.
Pour expliquer brièvement, tous les rangs se réunissent dans la cour pour recevoir les âmes des morts. Lors de sa récupération, l'âme de l'être humain est emprisonnée dans une unique perle, et selon la gravité de ses péchés elle se retrouve affublée d'une teinte, allant du gris au doré en passant par le rouge. Autant te dire que si tu tombes sur un doré tu sais que tu vas passer une bonne journée.
Selon ton rang, ton nombre d'âme à torturer diminue au fur et à mesure de ta montée en grade. À mon arrivé au rang brasiers, on devait s'occuper de 300 âmes sur une plage hebdomadaire avec une équipe de 10 succubes. Donc je te laisse calculer ce que cela donnerait sur les 7 rangs... Tu t'en sors ? Non ? Ok Einstein, je vais te donner un coup de main.
Le rang des brasiers a donc en charge 300 âmes, l'ambre en a 225, l'émeraude en a 150, l'opale en a 100, les saphirs en ont 50, les rubis 25 et les diamants 5. Seulement, le nombres de succubes par rang n'est pas le même. Et dans la mienne nous ne sommes que trois, dont deux flemmardes à la botte de Miostia, ce qui veut dire que je me tape tout le travail. Je te laisse donc deviner pourquoi Miostia m'a « menacée » ce matin de parler de mon cas à Lilith si mon quota n'était pas atteint...
Le rang diamant ne compte que 3 Succubes : Glysora, Zaeheli et bien sûr Miostia. Elles sont nos trois supérieures, juste en dessous de Dame Lilith. Une fois par an on procède à notre montée en grade. Les diamants sont les rares à avoir un grade supérieur, appelé « Succube Suprême ». Leur travail n'étant plus de s'occuper des âmes mais de vivre aux côtés de Dame Lilith et Seigneur Lucifer, tel des dames de compagnies de vos anciens rois et reines.

Alors que je rejoignais mes deux collègues, la Faucheuse du nom de Sarkog passa la grande grille du château. Il était accompagné de sa faux légendaire qui était bien plus grande que lui alors qu'il faisait un bon mètre quatre-vingt. Je ne saurais te décrire son visage car il porte constamment une cape noire munie d'une capuche retombante sur son visage. Cependant on pouvait entrapercevoir son menton et sa bouche sur laquelle se dessinait un sourire carnassier en toute circonstance (je me suis même demandée s'il n'était pas bloqué ou quelque chose comme ça...). Il s'arrêta à quelques mètres devant nous et claqua des doigts. Son résonnement fit légèrement vibrer ma peau, comme le ferait une sonorité très forte. Devant chaque rang apparût alors un sac en toile de jute noir scellé par un fil doré flottant dans l'air.