Les fraises, la sorcière et la marguerite argentée

Il était une fois, quelque part pas si loin de chez vous...

Une petite fille qui se promenait le long d'un sentier. La forêt dans laquelle elle se promenait était formée d'arbres touffus et colorés ; c'était l'été, et l'odeur de feuilles et de fruits emplissait l'air. Un vent tiède soufflait doucement, soulevant avec légèreté les cheveux blonds et la robe bleue de l'enfant. Ses yeux céruléens se promenaient sur les côtés du petit chemin, curieux et avides, s'attardant sur chaque recoin, afin que la moindre fraise, la moindre myrtille, ne leur échappe.

Quelques mètres plus loin, une jeune femme au teint rosé s'appliquait à la même tâche que sa fille, tout autant captivée, concentrée par ses gestes. Elle vacille ; relevant un instant la tête, dévoila un visage semblable à celui de la petite fille, et ses yeux brillaient lorsqu'elle prononça :

« - Ne t'éloigne pas du sentier... Ma belle. Car tu pourrais de te perdre ; et la nuit va bientôt tomber. »

Ces paroles entendues furent bien vite oubliées : les yeux bleus, brillant eux aussi d'un reflet gourmand et quelque peu avide, venaient d'apercevoir, caché, un bosquet entier de fraises brillantes et délicieusement sucrées. Somme toute, elle n'en pensait pas moins ; et décida de franchir, petit sac à la main, les quelques mètres qui les séparaient.

Avec eux la limite brune du petit sentier.

Telle fille, telle mère ; la jeune femme ressentit l'odeur amère de champignons tous frais sortis. Elle s'enfonça de l'autre côté du sentier, s'éloignant de la petite qui partait de son côté.

Ces fraises étaient les meilleures qu'elle n'avait jamais goûtées. Encore plus sucrées qu'elle ne les avait imaginées. L'enfant se goinfra de petits fruits, et tacha sa robe de quelques empreintes d'un rouge agressif. Sa mère allait la gronder ; elle ne s'en souciait guère. Elle voulu remplir ses poches jusqu'à n'en plus pouvoir ; mais elle avait tout mangé ! Et en voulait encore, toujours plus, d'avantage. Elle balaya l'endroit du regard.

Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'elle aperçut, à quelques petits pas de petite fille, un second bosquet tout aussi fourni que le premier ! Et un autre, un peu plus loin ; elle remplit juste son panier, et elle revient.

C'est ainsi que petite blonde à la robe tachée, s'enfonça dans la forêt avec son petit panier.

Ce ne fut qu'au bout de quelques minutes que l'enfant remarqua le changement du paysage. Les arbres touffus et colorés avaient laissé place à des troncs grisâtres, morts pour certains. Le sol craquait sous ses pieds de feuilles desséchées ; aucune plante verte ne poussait : les ronces s'étaient éprises des lieux, mortelle embrassade pour la moindre forme de vie. Il faisait sombre ; elle aurait pu apercevoir le soleil mourant au loin si ces arbres se refermant sur elle le lui avaient permis. Elle se retourna, cherchant le sentier de ses yeux apeurés. Rien. Elle appela sa mère et revint sur ses pas. En vain. Des larmes roulèrent de ses yeux jusqu'aux joues rebondies ; les lèvres se plissèrent et elle poussa un cri. Lâcha son panier, se mit à courir, effrayée, désorientée, sans savoir qu'elle s'enfonçait de plus dans la sombre forêt.

Elle courut ainsi autant qu'une fillette de son âge puisse courir ; alors que la nuit tombait, les arbres se multipliaient, avec eux sa peur d'être abandonnée. Elle courut en pleurant, puis finit en marchant ; fatiguée, la petite fille s'assit sur un rocher. Et remarqua... un sentier.

Ce n'était pas le même, ce n'était pas le bon... mais au moins cesserait-elle de tourner en rond. Peut-être même croiserait-elle quelqu'un qui la ramènerait auprès de sa mère. Dans son dos, elle entendit un grattement ; elle accéléra le pas, terrifiée, et se remit à pleurer.