Le mal invisible

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Cette nouvelle a été écrite durant le premier confinement 😉 On y sent bien le coup de gueule sur l'instant présent. Bonne lecture !

L'illustration est l'œuvre originale et commandée à Sgan Arel

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Manon était assise à son balcon, les jambes dans le vide, le corps soutenu par la rambarde, les bras croisés sur la barre de fer et le menton posé dessus. Devant elle s'étendait la ville, ses enfilades d'immeubles et ses rues silencieuses.

Confinement total jusqu'à nouvel ordre.

Reconnexion entre les membres d'une même famille pour les étages au-dessus d'elle. La vie moderne les avait paradoxalement isolées au quotidien. Le confinement leurs apprenait à se retrouver.

Isolement total pour elle, elle était seule


Au balcon en face d'elle, celui de l'immeuble voisin, la violoniste préparait son pupitre à partitions. Manon posa un œil paresseux à l'horloge numérique de sa smartTV. 15 heures. Elle sourit et s'installa confortablement. C'était l'heure de la sonate. D'ici quelques minutes, la violoniste lancerait un La de quatre temps. Puis un silence. C'était son appel pour le pianiste de son immeuble. Et de fait, Manon entendit la porte coulissante de l'appartement du dessus s'ouvrir et un bonjour sonore s'ensuivit.

— Bonjour !

— Bonjour ! Répondirent plusieurs voix aux alentours.

Manon tourna la tête vers le paysage et répondit un petit bonjour, faible.

Au-dessus d'elle, le tabouret du piano racla sur le plancher et les premières notes de Canon in D s'élevèrent. Ce fut ensuite au tour de la violoniste de faire vibrer les cordes de son instrument. Le silence de la ville se brisa et les notes s'amplifièrent. Du coin de l'œil, Manon aperçut les autres résidents s'installer à leur balcon pour profiter de cet instant de partage.

Pour sa part, Manon s'allongea sur sa terrasse. Elle observa, sans vraiment le voir, le béton de la terrasse du pianiste. C'était amusant, en un sens, de voir ce que cet isolement forcé avait engendré. Un rapprochement, à distance, de toutes les personnes du quartier. Proches et éloignées à la fois.

Un temps de silence suivit la fin du premier morceau. Quelques applaudissements s'élevèrent, brièvement.

Deux semaines de confinement et pourtant une habitude en était née. La violoniste de la résidence des Mimosas et le pianiste de la résidence Mozart avaient instauré depuis le premier jour une heure par jour de musique. Manon les soupçonnait d'avoir réussi à se voir en toute discrétion pour préparer leur récital. Ou alors, ils se connaissaient déjà d'avant.

Cette fois encore, le pianiste commença le nouveau morceau et quand les notes du violon s'élevèrent, Manon reconnut le morceau Hallelujah. Ses lèvres se pincèrent. Voilà un morceau qui collait parfaitement à son mood. Paradoxalement, les gens de sa résidence se parlaient entre eux et se découvraient depuis leur balcon. Des amitiés naissaient, des complicités s'instauraient (comme les deux musiciens) et elle... elle se sentait plus seule que jamais. Deux mois qu'elle avait emménagé dans la résidence Mozart, des suites d'une séparation. Un mois qu'elle avait rencontré quelqu'un, qui lui aussi vivait une histoire d'amour qui se terminait mal.

Puis, ce virus qui changea toutes les habitudes du monde.

Le confinement avait été proclamé. Les citoyens étaient appelés à rester chez eux. Manon avait bien tenté de convaincre son amoureux de venir vivre avec elle avant que le confinement soit total. Mais cela ne c'était pas fait. Il avait refusé, prétextant devoir mettre fin proprement à sa relation. Ce qui était louable, soyons sincère.

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⏰ Dernière mise à jour : Aug 26, 2022 ⏰

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